Note du site :
"Boralde" est un nom commun :  Les Boraldes de l'Aubrac désignent un ensemble de petits affluents de la rive droite du lot qui descendent du plateau de l'Aubrac par son versant sud-ouest (partie Aveyronnaise). Les Boraldes sont des rivières assez courtes (10 à 30 kms), rapides - puisque la plupart d'entre elles dévalent une pente d'environ 1000 mètres entre leurs sources et leurs confluent avec le Lot - et qui coulent parallèlement les unes aux autres.

 

 

La Boralde de Flaujac au fil du temps
par Thierry Quintard

 

 

 

La BORALDE « FLAUJAGUÈSE »

 La rivière principale de La Bastide est un torrent appelé la Boralde Flaujaguese, du nom du plus important village (Flaujac)qu'elle côtoie. Mais La Bastide n'est pas très proche de ce cours d'eau torrentueux ; il faut en effet une bonne demi-heure de marche pour relier les deux lieux par le chemin le plus court et le plus abrupt … car la Boralde se niche au fond d'une vallée en « V » des plus pentues (les textes anciens parlent de « côtes fort raboteuses »...). Sa largeur n'excédant pas quelques mètres, on peut se demander comment un cours d'eau si ordinaire a pu creuser une telle vallée, la vérité est qu'il a été quelque peu aidé par ... un immense glacier !

 

Le FEU et LA GLACE POUR PARENTS

 Il y a 7,5 millions d'années le plateau de l'Aubrac est bouleversé par un épisode volcanique intense mais bref ( 250 000 ans tout de même!) qui laisse à sa surface un large dépôt de roches basaltiques résultant de la solidification de la lave. L'ancienneté de ces éruptions explique que l'érosion ait eu depuis tout le temps de dessiner le plateau tout en courbes douces et aplanies.

Cependant l'Aubrac n'en a pas pour autant fini avec les accidents géologiques et climatiques : ses sommets sont en effet par la suite recouverts (il y 500 000 ans) par un immense glacier de 30 kms de long et d'une épaisseur d'environ 200 mètres ! On imagine sans mal la colossale réserve d'eau glacée qui le constituait. Cette masse glaciaire perdurera tout le long  du Quaternaire avant de commencer à fondre il y a plus de 11 000 ans sous l'effet du réchauffement climatique (déjà !). Les immenses quantités d'eau libérées par ce glacier de type « froid » [sic] vont alors dévaler les sinuosités existant sur le plateau et ses marges pour atteindre, guidées par la gravité, le point le plus bas possible : la vallée du Lot. Au cours de cette descente effrénée  ces langues liquides vont creuser le relief de vallées profondes : celles des Boraldes actuelles. L'eau  des glaciers a depuis fort longtemps atteint l'Océan Atlantique mais le fond des vallées aujourd'hui est toujours alimenté par de très nombreuses sources qui lentement filtrées par la roche basaltique assurent un débit minimum.

C'est ce rapide bouleversement qui explique la présence incongrue de blocs de basalte au fond de ces vallées dont les pentes sont, elles, de nature schisteuse. Les blocs sont issus du plateau situé 300 mètres plus haut dont ils ont été arrachés par la force de l'eau ...

L'origine du torrent étant maintenant moins mystérieuse, qu'en est-il de l'origine du nom ? Il arrive qu'en montagne on donne un nom générique aux cours d’eau, par exemple les « gaves » pyrénéens ; les érudits post-révolutionnaires se sont penchés avec circonspection sur cette appellation étrange sans apporter de conclusion probante : le nom dériverait de « boréal » synonyme de « nord », zone d'origine de ces cours d’eau, l'ancien nom ayant pu être « Boréalde » …

Il semble aujourd'hui plutôt découler de « bera » ou « beral » vocable ancien de la région - assez proche - d'Aurillac et signifiant « pente », le cours de ces torrents est en effet très pentu : environ 1000 mètres  de dénivelé pour une course d'une vingtaine de kilomètres. Ajoutons que ce nom est générique, désignant l'ensemble des cours d'eau du Sud-Ouest de l’Aubrac.

 

La BORALDE TELLE QU'EN ELLE-MÊME

 A quoi ressemble la Boralde Flaujaguese ? Ce torrent à l'eau froide et acide pour avoir traversé les couches géologiques trouve sa source principale au-dessous des « Trucs » (Monts) d'Aubrac à une altitude de 1440 m et il finit sa course dans le Lot, soit un dénivelé total de 1100 m pour une longueur de 29 kms : c'est la plus longue des Boraldes !

Au cours de sa descente sinueuse elle est alimentée par  quelques affluents, d'une longueur de 2 à 17 kms, mais aussi par de nombreux rus répartis sur les quelque 100 kilomètres carrés de son immense  bassin versant : toutes les pluies de cette zone se retrouvent tôt ou tard au fond du torrent. Le cours est donc abondant ; le débit moyen à l'aplomb du village du Cayrol est de 2,95 mètres cube à la seconde, mais il est irrégulier : les crues hivernales exceptionnelles peuvent ponctuellement le gonfler à 50 mètres cube à la seconde ! C'est alors un spectacle dantesque de voir cette masse liquide se répandre à toute allure au milieu de blocs cyclopéens …

Par contre en été, le débit moyen est inférieur à 1 mètre cube, c'est alors le temps du loisir où certains audacieux tentent la traversée, risquée, à pied …

Si l'on veut décrire le cours de la Boralde, il nous faut parler séparément de son cours supérieur et de son cours inférieur tant les différences sont fortes entre les deux :

-la partie haute de la Boralde occupe les 9/10° de son cours le long desquels le torrent est rapide et accidenté ; il se fraye un chemin au milieu des éboulis de roches au fond de vallées encaissées. Sur les pentes : des arbres et encore des arbres … aux hêtres et chênes « originels » l'homme a ajouté nombre de châtaigniers et de ci delà quelques arbres fruitiers dont la production était réputée à la Renaissance (voir l'Enquête de 1522 dite « sur les Commodités du Rouergue »), le noyer en était un exemple parfait puisqu'on  pouvait en tirer de l'huile , manger les fruits et utiliser son bois dur à de nombreux usages dont le moindre n'était pas la fabrication artisanale de sabots par les paysans eux-mêmes .

Ceci dit si l'homme peut y ressentir une certaine sérénité à la belle saison où l'eau est calme , les pentes  vertes et le soleil relativement généreux , c'est l'angoisse qu'il doit ressentir en hiver dans un milieu glacé traversé par des eaux impétueuses et dominé jusqu'en haut du ciel par des armées d'arbres gris et dénudés comme des spectres ! Spectres qui ont vu bien des drames car ils ne furent pas rares les hommes retrouvés « noyés dans la Boralde » : téméraires ayant tenté  la traversée  mais aussi peut-être parfois hommes victimes de règlements de comptes …!

Ces vallées de la Boralde sont généralement inhabitées ; à cela il y a deux raisons : des versants trop pentus pour pouvoir retenir les semences des céréales – qui seraient emportées par les pluies -et surtout l'indigence du soleil qui n'éclaire que très peu les rives des  torrents très encaissés et orientés selon un axe nord-sud défavorable à l'ensoleillement ; une seule parcelle de ces pentes reçoit correctement la lumière, elle a d'ailleurs pris le nom de «  Coste Solelhade ».

Pourtant ce caractère répulsif attira il y a près d'un millénaire des moines cisterciens qui vinrent fonder, à l'aplomb de La Bastide mais de l'autre côté du cours d’eau, le monastère de Bonneval qui devint un des plus prospères du Rouergue. Sur le chemin qui monte vers Auriech un habitat ne tarda pas à s'installer et prit le nom de Cantomesso, probablement d'après un chantre qui habitait ce mas.

Ses habitants ont pu subsister grâce aux échanges avec les moines, et aux produits de la forêt, qui était alors bien moins dense que de nos jours.

 

-Mais quelques kilomètres en aval de Bonneval, le torrent change de nature ; la Boralde folle cède alors la place à la Boralde sage qui, en raison d'un relief totalement aplani glisse doucement au milieu des prés et de quelques maisons isolées. Si l'eau reste très fraîche, le courant est nettement plus lent au milieu d'un paysage bucolique et l'habitat beaucoup plus fourni. C'est ici que l'on trouve le village fortifié de Flaujac, mais aussi Saulieux, Tramons, La Brucaterie... qui sont reliés à l'autre rive par un pont financé par les habitants eux-mêmes.

 

 

PONTS et MOULINS  

Pour se rendre dans les territoires voisins, les paysans ont du demander l'édification de ponts sur ce torrent infranchissable. Il y en a actuellement trois qui sont, en partant de l'amont :
-Le pont de Carays
-Le pont de Bonneval
-Le pont de Flaujac

Seul ce dernier est encore utilisé par les habitants des hameaux déjà cités qui font face à Flaujac; le pont de Bonneval ne sert qu'aux marcheurs et celui de Carays aux éleveurs de la commune de Condom.
Par le passé, ces ponts étaient régulièrement emportés par les crues et il pouvait se passer des décennies avant qu'on ne les reconstruise, ce qui amenait les paysans à traverser sur de simples troncs d'arbres jetés en travers, voire même de simples planches.
Lorsque le pont était reconstruit, ce n'était pas toujours à l'endroit initial ; on dénombre ainsi pas moins de sept emplacements successifs de ponts ou passerelles  à proximité de Flaujac.

Ces paysans qui sillonnaient la contrée avaient régulièrement besoin de moudre leur blé pour faire du pain ou leurs noix pour faire de l'huile; c'est à cet usage que servaient les trois moulins de cette boralde. Il y en avait trois, qui étaient, à partir de l'amont :
-Le moulin du Martinet
-Le moulin de Bonneval
-Le moulin de Flaujac

On l'aura compris, les moulins étaient toujours situés à côté de ponts afin de servir tant les hommes de la rive est que ceux de la rive ouest.Le premier de nos moulins doit son nom à son ancienne fonction : battre le fer (avec un « martinet », mais il avait aussi des meules pour la mouture alimentaire. Il était desservi par le pont de Carays qui a aujourd'hui été refait en béton.Le deuxième fut construit, sans doute dès le XII° siècle par les moines de Bonneval, c'est celui -ci que fréquentaient nombre d'habitants de La Bastide et des environs tant pour faire de l'huile que de la farine, même s'ils furent obligés au Moyen-âge d'aller moudre au lointain moulin banal de Terral ; ils avaient aussi la possibilité de se rendre au petit moulin voisin de Bieysses.Quand au troisième, il est plus récent, même s'il existait déjà au XVIII° siècle.

Tous ces ouvrages se trouvaient à l'aval immédiat d'une « chaussée » de pierre qui n'était point une route mais un barrage créant une retenue dont l'eau alimentait le moulin grâce à un canal d'arrivée appelé « bief ».

Ces barrages étaient fragiles, c'est pourquoi les contrats de location du moulin de Bonneval faisaient obligation au meunier de veiller à ce que « personne ne passe de bois sur la chaussée », ce qui nous amène à considérer un usage méconnu de la boralde : celui de voie de transport.

 

Le FLOTTAGE du BOIS

 Bien que la boralde soit réputée « ni flottable ni navigable », elle a été utilisée depuis le Moyen-âge jusqu'aux années 1930 pour véhiculer du bois, ce qui était bien plus économique que le transport en charrettes à bœufs. Ce bois était principalement du bois de chauffage destiné aux habitants de la vallée du Lot qui, ayant défriché toutes leurs forêts, en manquaient cruellement.

Le processus était assez simple : on procédait selon la technique dite « à bûches perdues », c'est à dire que les morceaux de bois n'étaient pas attachés ensemble. Dans les bois entourant le torrent, on abattait des arbres ou l'on coupait des branches que l'on débitait ensuite et sur lesquels on apposait souvent la marque de l’acheteur, puis durant les hautes eaux des paysans jetaient ces bûches dans le flot tumultueux. Sur les rives d'autres paysans munis de « crocs » dégageaient le bois coincé entre les roches …

Au lieu d’arrivée, entre Flaujac et Tramons, l'acheteur avait fait barrer le ruisseau par des « rateliers » en bois solidement fixés au sol contre lesquels les bûches se bloquaient ; les aides se dépêchaient de les sortir et de les empiler sur les rives pour qu'il y sèche. Il pouvait malheureusement arriver qu'une crue subite emporte tout ou partie des tas constitués, au grand détriment de l'acheteur !

Aujourd'hui on ne fait plus flotter de bois, les moulins sont ruinés et les ponts peu utilisés … Lorsqu'on mentionne les usages de la boralde, les habitants unanimes ne citent qu'une seule activité : la PÊCHE …

 

 La PÊCHE en EAUX CLAIRES 

Au Moyen-âge, la boralde de Flaujac appartient, comme toutes les rivières, aux seigneurs riverains. Ces derniers y ont seuls droit de pêche « à la ligne, à la main et au filet » à l'exclusion de tout autre moyen. L'interdiction de pêcher pour les manants est rappelée par le Baron de Calmont dans un acte de 1347 qui une amende et la confiscation des filets (retis) aux contrevenants.

En 1402, un autre seigneur, le Dom d'Aubrac fait surprendre des paysans pêchant avec des " margnes "[filets] et autres engins » par ses agents armés de bâtons et d’épées. Il fait procéder à la confiscation du matériel et à l'établissement d'amendes.

En 1678, on rappelle que même les meuniers n'ont pas le droit « de tendre filets » au travers de la rivière, sous les mêmes peines que précédemment.

Enfin en 1717, des consuls remémorent aux habitants  l'interdiction de pêcher «  avec des filets appelés margnes ou graniers et autres instruments avec lequel on prend le petit poisson ».

Dans un tel contexte on aura compris que pour attraper des poissons dans la région il valait mieux se montrer extrêmement discret. C'est pourquoi sous l'ancien régime la pêche devint pour les bastidans une activité clandestine, pratiquée loin des chemins et de préférence durant la nuit. Elle pouvait prendre des formes très diverses, voici donc un bref inventaire des techniques de pêche attestées sur la boralde flaujaguese où de trouvent quasi-exclusivement des truites du genre « fario ».

 La pêche à la main :


C’est une pêche subtile nécessitant de l'expérience ; pourtant il s'agit simplement de s'allonger sur le ventre au bord de l’eau, de glisser doucement la main sous un rocher – abri privilégié des poissons – jusqu'à ce que l'on sente une truite … On remonte alors la main sous le ventre de l'animal pour l'attraper en enfonçant simultanément un doigt dans chaque ouïe. Il suffit ensuite de tirer vivement le poisson hors de l’eau. Cette technique était encore utilisée à la fin du XX° siècle.

 La pêche au filet :
Nous avons vu que le filet (margne) était omniprésent dans les textes anciens, mais de quelle façon était-il utilisé ? Il ne s'agissait certes pas de le tirer derrière soi à la manière des bateaux de haute mer ! Sur la boralde on rencontrait rarement des filets dits « éperviers », plombés et jetés du bord de la rivière dans les chaussées des moulins ou dans les « gourgues », que l'on remontait prestement … avec ou sans prises. L'eau est trop rapide et il y a trop peu de gourgues, contrairement à la vallée du Lot.

En fait les filets de corde des paysans étaient utilisés pour barrer le cours du torrent … Ils étaient d'abord lestés et fixés à des perches enfoncées sur les berges. Puis les pêcheurs remontaient la berge sur environ 100 mètres , ils entraient alors dans l'eau et redescendaient bruyamment en remuant l'eau de leurs pieds  , sans oublier de racler le dessous des rochers … Affolés , les poissons se précipitaient vers l'aval où ils se coinçaient dans le filet dont les mailles devaient être assez petites car ces filets sont dits «  destinés à prendre le petit poisson » , comme il a déjà été dit.

 La pêche à la fourchette :
Voilà une technique rare  et typique de la boralde ; la fourchette fait peut-être partie des « autres instruments » et « engins » de pêche dont se servent les braconniers, mais en tout cas pas antérieurement à la Renaissance, époque d'apparition de cet ustensile de cuisine ! Il est toutefois possible qu'une petite fourche en bois ait été utilisée dans des temps plus reculés ...
Comment procède-t-on ?
Il faut prendre une fourchette en métal et l'aplatir méthodiquement, avec un marteau par exemple.
On attend ensuite la nuit et on se munit d'une lampe, au XX° siècle on utilisait des lampes à carbure.
Une fois arrivé au bord du torrent, on se met à l'eau avec la lampe allumée, le faisceau éclairant la surface de l’eau. La lumière a deux fonctions :

-               
elle permet de localiser les truites remontant le courant
-               
elle attire les poissons immobiles, qui se dirigent vers elle.
Une fois la truite prise dans le faisceau de la lampe, le plus difficile reste à faire : il faut harponner vivement le poisson et, dans le même mouvement, le « clouer » au fond du cours d’eau. Le poisson se débattant frénétiquement on doit ensuite racler la fourchette garnie de sa prise contre le fond jusqu'au bord de la boralde, puis continuer le mouvement le long des rochers qui la bordent … On récupère alors la truite ...et on continue, sur plusieurs kilomètres !
Cette méthode pouvait permettre une pêche très abondante : on cite ainsi le cas de deux hommes ayant attrapé 70 truites en une seule nuit.

 Voilà pour les pêches les plus pratiquées, mais d'autres techniques étaient utilisées :
La pêche à la nasse d’osier, d'où le poisson, attiré dedans par un appât ne pouvait plus ressortir. Les nasses étaient posées le soir et relevées le matin.
La classique pêche à la ligne, rarissime en ce lieu.

 Sur les petits ruisseaux tels les affluents des boraldes, une méthode très particulière existait : il s'agissait de la pêche « à la tarida », pour laquelle il fallait barrer le cours d'eau afin de le tarir. Le barrage était constitué de roches et de mottes de terre, un canal d'évacuation  - indispensable - étant creusé à son niveau. Lorsque le ruisseau était tari (« tarida »), généralement sur 50 mètres, on devait alors vider avec divers récipients les trous d'eau où étaient descendus les poissons avant de les sortir de leur piège à la main … ou même à la fourchette.

 Tous ces types de pêche n’étaient, bien sûr, pas autorisés, aussi il fallait se garder des gardes-pêches et autres gardes-champêtres. C'est sans doute pour réduire les risques que de rares braconniers optaient pour la pêche la plus rapide … et la plus radicale. Ainsi, au cours des siècles passés on pratiquait la pêche à la chaux consistant à jeter de la chaux vive dans une gourgue ou une chaussée de moulin. Les poissons étaient instantanément empoisonnés et remontaient à la surface ventre en l'air ; il ne restait plus alors qu'à les ramasser.
Facteur de dépeuplement accéléré des cours d’eau, car la chaux était emportée par le courant et tuait encore, ce type de pêche était très sévèrement sanctionné. Il y a quelques siècles un paysan l'ayant pratiquée fut interpellé avec un seau plein de poissons ; il fut puni en conséquence. Même les seigneurs s'étaient vus interdire cet usage par un édit royal !

Au XX° siècle les progrès de la science firent malheureusement évoluer cette technique destructrice. Après la première guerre mondiale, des conscrits ayant ramené du front des grenades eurent l'idée de les utiliser pour pêcher, la grenade explosant au fond de l'eau   et éradiquant toute vie aquatique … Mais l'usage de ces engins de guerre ne fut pas une réussite en raison de la faible profondeur et des projections de galets ou d'éclats de pierres, potentiellement mortelles pour les hommes ! Un de ces apprentis-grenadiers devait déclarer : «  J'ai survécu à la guerre et j'ai failli mourir pour un plat de truites ! ». Ce type de pêche faisait « grand bruit » et alerta les autorités. Informés du fait les braconniers firent répandre la rumeur d'une prochaine pêche au filet en un lieu et une nuit précise. Les gendarmes alertés décidèrent de leur tendre un piège  mais, la nuit venue, ils ne trouvèrent aucun pêcheur au bord de la boralde … Et pour cause : les pêcheurs étaient cachés dans les bois au-dessus d'eux et les accueillirent par une grêle de cailloux !

 De telles pratiques anti-écologiques ont de nos jours totalement disparu des boraldes …

D'ailleurs on aurait de  nos jours beaucoup de mal à rééditer les pêches miraculeuses d'antan et ce non en raison de la surpêche, mais à cause des importants pompages d'eau domestique effectués à la source même de la boralde, qui en amoindrissent fortement le débit.

 

 Thierry Quintard