Pérégrinations paternelles

 

Nous étions très peu de temps après la libération de mai 1945, papa était depuis peu directeur du centre de recherche des maladies des plantes sis à Saint Cyr l’École (pendant la guerre, il était sous-directeur) il devait aussi diriger les recherches des autres centres installés en France, Bordeaux, Toulouse, Rennes, Montpellier, Colmar et probablement  aussi dans d’autres villes dont je n’ai pas le souvenir. Ce centre de recherche de Saint Cyr devait devenir assez rapidement l’INRA (Institut National de Recherches de l’Agronomie) et en être la cheville ouvrière. Pendant toute la guerre les recherches furent si je ne me trompe essentiellement axée sur la sauvegarde de la nourriture des français, (accessoirement de allemands) tout particulièrement des pommes de terre qui outre les tubercules gelés avaient contracté une sale maladie qui les faisaient mourir sur pieds : Le virus de la pomme de terre. Une grande partie des œuvres de papa fut axée sur ce fameux Virus. Peu de gens d’ailleurs à l’époque connaissaient le mot « virus » ou même savaient de quoi il retournait. Or, il se trouvait que de l’autre côté de l’Atlantique on se préoccupait des virus  pouvant s’attaquer au genre humain. On s’était aperçu que les antibiotiques et les sulfamides (Alexander Fleming avait mis le doigt dessus au début du XX° siècle mais ces médications n’entrèrent dans notre vie que peu après la deuxième guerre mondiale). Ces antibiotiques tout récemment inventés n’avaient aucun effet sur ces virus car ne faisaient pas partie du « vivant ». Or donc des chercheurs américains et canadiens ayant appris que papa se penchait très sérieusement sur ces fameux virus qui ne faisaient pas le distinguo entre genre humain,  animaux et plantes décidèrent de le faire venir pour en discuter et comprendre pourquoi et comment son combat contre le virus de la pomme de terre était en passe d’être éradiqué. Ce fameux virus s’attaquait aussi aux tomates (famille très proche de la pomme de terre) et au tabac. C’est d’ailleurs avec ce dernier végétal qu’il avait le plus avancé. Donc, papa et quelques-uns de ses collaborateurs, M. Darpoux, (son second au Centre de Recherche) M. Bustaret, M. Coïc (tous les deux collaborateurs à divers titres, il faut savoir aussi que Coïc avait été son compagnon et ami dans la même promo à l’Agro de Paris). Le dernier de l’équipe était M. Chevalier Horticulteur de son état (qui était ingénieur en électrodynamique ou quelque chose comme ça !) Celui-ci créait de nouvelles variétés de Dahlias mais avait de gros soucis avec le fameux virus en question. Il avait donc embauché une laborantine bardée de diplômes (que papa avait poussé chez M. Chevalier à Marcoussis) pour de son côté combattre cette saleté de pair avec le labo de St Cyr l’École.

Papa sait qu’il n’y a pas de moyens de transport pour rejoindre le Canada en partant de France Il part donc seul pour Londres  le 5 juin 1945 (il n’emmène que 10 Livres Sterling !) où il va négocier pour tenter d’obtenir un passage pour ses compagnons et lui sur un navire de sa Majesté. Il doit être déçu car ça n’est pas possible. Il ne reste qu’une journée à Londres. Il semble donc que les anglais ne sont pas mieux lotis. Les trois consulats du Canada, du Royaume Uni et de France finissent-ils par trouver une solution ? Il était possible d’affréter un bombardier militaire anglais, de lui faire traverser l’Atlantique jusqu’au Québec. Ainsi fut fait, mais rien n’est jamais simple. (Tout cela n’est que conjectures de ma part.)

 Tous travaillaient en relation directe avec papa, raison pour laquelle ces messieurs au milieu de l’année 1946 très précisément le 13 juillet, partant de Dieppe  traversèrent la manche, restèrent quelques jours à Londres puis partirent en train pour l’Écosse (le chauffage du train était comble de malheur, tombé en panne, ce devait être une sorte d’entrainement pour plus tard). En Écosse ils devaient embarquer sur un avion de bombardement de la RAF désarmé pour le Canada. En effet, il n’y avait pas de lignes aériennes civiles pour traverser l’Atlantique, seuls quelques transatlantiques sont en passe d’être réarmés, mais pas encore opérationnels semble-t-il. Comme il y avait urgence à se préoccuper de ces problèmes de virus (au pluriel), on savait maintenant que le virus de la grippe en était l’axe principal ou la cible de la médecine internationale. Ils embarquèrent donc le 7 août 1946 sur un Halifax quadrimoteur dont on avait ôté toutes les mitrailleuses et naturellement les bombes ! Ils décolèrent d’un aérodrome militaire au nord de Glasgow. Le confort de cet avion était des plus spartiates. C’est le moins que l’on puisse dire ! La RAF avait installé des sortes de sièges en toile adossés à la carlingue (voir les films de guerre où les parachutistes s’installent en attendant les lumières rouges et vertes), des couvertures militaires étaient fournies à ces messieurs pour se protéger du froid. Ils n’avaient pas les vestes de cuir fourrées des aviateurs ces messieurs en costume de villes avec manteaux souvent râpés, et oui, on sortait de la guerre. L’ambiance dans cet avion était paraît-il des plus glaciale, pas de chauffage, pas de pressurisation et comble de tout pas de toilettes. Les aviateurs anglais avec leur humour bien anglais avaient mis un seau hygiénique dans la tourelle arrière, posé à même le verre de la tourelle et ventilé largement par les deux fentes destinées à la manœuvre des mitrailleuses de 50 pouces (il n’y avait aussi peut-être pas d’autre solution) ! Papa avait froid, cela lui déclencha une bonne colique et le système anglais de toilette dans l’avion au dessus de l’Atlantique ne l’enchanta pas du tout. Plus tard il en parlait à grand renforts d’éclats de rire. Sur le moment, ça n’était pas l’heure de rigoler. J’imagine le tableau du pantalon sur les genoux, les rafales d’air glacial sur les fesses, quelle joie !!! (Toute cette histoire de train anglais et d’avion militaire est : dixit papa, mais on ne trouve pas sur le passeport de traces de cet avion anglais, simplement apparaît le tampon canadien de « air port Dorval le 7 août 1946.)

Je n’en suis pas sûr, mais je crois bien qu’ils firent une première escale de ravitaillements essence au sud du Groenland, puis ensuite à Terre neuve et bien que ce soit l’été, il faisait très froid pour ces pauvres voyageurs déguisés en esquimauds glacés. Le voyage jusque là avait duré de nombreuses heures et la dernière partie depuis Terre Neuve était un saut de puces par rapport à ce qui avait déjà été accompli. Ils purent enfin atterrir au Québec à l’aéroport de Montréal soulagés d’aller se réchauffer à l’hôtel et évidement dans un restaurant. Les uns et les autres étaient peu argentés, il ne fallait pas que cela devint une habitude.

Papa ne racontait pas souvent les parties professionnelles de ses activités, peut-être à maman, ce dont je ne suis pas sûr. Je n’ai donc que peu de choses à dire sur ses rencontres sinon quelques anecdotes sur le langage canadien français et sur la manière dont ceux-ci percevaient l’accent bien français de papa parlant l’anglais, ça les faisaient même beaucoup rire. Les français restèrent quelques jours entre  Montréal et Ottawa, puis ils prirent un train pour traverser le Canada en remontant au nord des grands lacs, tout particulièrement le lac supérieur. Ils firent une escale à Winnipeg de quelques heures. Le train repartit Jusqu’à Vancouver où un congrès de médecins chercheur les attendait. Si je ne dis pas de bêtises, leur voyage en train dura à peu près deux jour et trois nuits. A l’époque, les traverses des voies étaient mal sécurisées et les trains dépassaient rarement le 50 Km/h (j’ai entendu dire qu’actuellement c’est à peine meilleur)! Je viens de faire un calcul rapide, 3500 Km du Québec à Vancouver divisé par 50 cela donne 70 heures, pas mal le voyage ! Papa découvrit ce train transcontinental mode américaine,  c’est d’ailleurs le même principe aux USA. Les wagons de voyageurs sont transformables, le jour, ce sont des banquettes classiques et la nuit un steward noir vient basculer les banquettes en lits superposés avec des rideaux pour le confort des passagers laissant un couloir longitudinal au milieu de ces rideaux. J’ai d’ailleurs le souvenir d’un film avec Marilyn Monroe (peut-être bien: «  Certains l’aiment chaud ») où l’on voyait ce genre de train.

Lorsqu’il retourna à Montréal par le même train, il prit la peine d’y faire de nombreux achats pour nous autres restés en France avec maman, il fit construire une caisse solide, à moins qu’on ne la lui ait proposé toute faite, je ne connais pas ce détail. Il y mit toutes ses emplettes et  l’expédia. Cette caisse devait voyager par cargo. Il resta jusqu'au 17 septembre 1946 au Canada Je découvre que son retour se fit par voie des airs (à mon avis un vol tout à fait civil, je n’en sais pas plus) (j’étais persuadé qu’il était revenu par bateau, mais le passeport est le juge de paix). Il décolle de l’aérodrome de Montréal Air port Dorval, il est enregistré au Bourget le 18 septembre, mais silence-radio sur l’appareil qui rapatria l’équipe. Pourquoi ce départ par l’Écosse en avion militaire alors que deux mois plus tard, enfin je n’ai pas la réponse…Je trouve cette information relevée sur son passeport étonnante. Peut-être y aurait-il eu une histoire de gros sous avec le ministère de l’Agriculture français qui aurait négocié avec les anglais, probablement j’affabule ??? Il revint de ce voyage épuisé, il y avait de quoi, et là-bas, il n’avait pas toujours mangé à sa faim, ce n’était pas tant qu’il y ait des restrictions comme en Europe, mais comme il restait dérangé, il supportait mal la nourriture locale faite en grande partie de sandwichs ! Ca n’était pas encore les Mac-Do mais ça en avait l’air, parait-il ! Après son retour, il mit plusieurs semaines à se remettre, il restait patraque, il s’écoutait beaucoup, je pense qu’il en rajoutait, il était comme sa mère, notre grand-mère, assez hypocondriaque !

Quelques mois plus tard, un camion de livraison vint nous livrer avec deux compagnons une très grosse caisse que l’on posa dans l’entrée de la salle de bain, on pouvait tout juste passer pour aller devant le lavabo. Le soir venu, papa fut très satisfait de voir sa caisse. Après examen de celle-ci il vit des documents collés indiquant qu’elle avait été débarquée à Bordeaux. En fait elle avait mis au minimum un trimestre depuis que papa l’avait mise en expédition à Montréal jusqu’à son arrivée à notre appartement de Versailles. Les parents avaient d’ailleurs pensé que la fameuse caisse était perdue ou qu’un employé peu scrupuleux l’avait volé purement et simplement.

Papa eut d’énormes difficultés à déclouer le couvercle ; il n’avait pas les outils adéquats (un arrache clou ou un pied de biche par exemple), enfin aidé de maman, le couvercle céda enfin. Ce n’était pas la caverne d’Ali-Baba, mais tout comme : D’abord, recouvrant la totalité des objets divers que la caisse contenait, il y avait un tissu verdâtre, un peu militaire, très épais, c’était un grand coupon de plusieurs mètres. Papa savait que nous avions tous besoin de vêtements chauds et solides, il connaissait l’habileté de maman devant sa machine à coudre, il ne se faisait donc aucun souci quant à l’utilisation de ce coupon. Il expliqua qu’il avait trouvé cela dans un magasin vendant des surplus de guerre, on a vu arriver cela en France un peu plus tard sous le nom de Stocks Américains. Ce tissu s’appelait paraît-il   du Matrass-Shader, en prononçant ce mot, il en avait plein la bouche et il ne se faisait pas faute de le répéter à tout bout de champ, et vingt ans plus tard, il en parlait encore ! Mais il avait raison, nous avions souvent froid, sans compter que nous portions toujours ces fameuses galoches à semelle de bois pour lesquelles, maman  certains soirs, clouait des bandes de caoutchouc dentelées pour nous éviter de glisser. Ainsi, grâce à ce Matrass-Shader, elle nous confectionna à André et moi toute une garde-robe bien militaire : des culottes (on n’employait pas encore le mot short en France) courtes, des pantalons golf, des blousons (encore plus militaires !) ainsi qu’une pèlerine pour chacun. Je me souviens de ces pèlerines, elles étaient dotées de larges bretelles du même tissu, ce qui permettait de ne pas obligatoirement fermer le bouton de col. D’autre part, il y avait de longues fentes à droite et à gauche avec une bordure surpiquée très couture) pour pouvoir passer les mains. Je crois bien que maman utilisa jusqu’au bout ce fameux coupon de tissu canadien. Peut-être n’avions-nous plus froid, c’est sûr, mais étions assez dégouttés car on se moquait de nous à l’école, heureusement, cela ne dura pas trop longtemps dès que je me mis à grandir. Ce qui je doute ne fit pas l’affaire de mon frère cadet car il a très certainement fini d’user mes vêtements trop petits, à moins que ce ne fut le suivant Jean-Marie, ce qui est fort plausible.

Demandez à André s’il se souvient d’avoir été déguisé en petit militaire, il vous dira le reste…

Revenons à la fameuse caisse : Sous le Matrass-Shader, il y avait quantité de nourriture, je ne crois pas qu’il y eut des nourritures avariées malgré le temps passé en pérégrinations diverses. Je me souviens d’un énorme bloc de fromage cubique assez insipide, de plusieurs pavés de savon que maman tenta de tronçonner à l’aide du couteau à pain, elle se rabattit sur la scie égoïne beaucoup plus pratique. De tout ce que contenait cette caisse, je n’ai évidement pas le souvenir, c’est évident. Par contre, papa s’était réservé un objet je crois inconnu en France : un rasoir électrique Remington, très comparable à ce que l’on pouvait trouver dans les années cinquante. Il était assez lourd et était doté de broches plates, papa avait pensé à se munir là-bas d’un adaptateur de prise pour la France. Lorsqu’on le branchait il émettait un sourd grondement, mais ne fonctionnait pas encore. Pour le mettre en route, il fallait tout simplement faire tourner avec le pouce une sorte de molette qui dépassait sur le corps de l’appareil, immédiatement, il fonctionnait et les trois tubes à fentes pouvaient raser. Je pense aussi que là-bas au Canada, comme aux US d’ailleurs, la fréquence étant de 60 périodes, il devait moins bien fonctionner en France avec 50 périodes. Il nous dit qu’il y avait une surprise pour nous, c’étaient deux jeeps en plastique très grossièrement moulées, assez laides, dois-je dire(je crois en effet que les premiers plastiques étaient à base de lactose). Nous n’avions jusqu’alors jamais vu de plastique, c’était relativement souple, elles n’étaient pas peintes, devaient mesurer dans les 15 centimètres, n’avaient pas de fond et une tige de fer reliait les roues.  Papa nous expliqua que c’était fait à base de lait ou plus précisément de lactose ! Sans commentaires. Papa s’était aussi acheté des costumes, un manteau de loden ou prétendu tel. Beaucoup de choses étaient réservées à maman, mais je ne saurais les citer. Probablement des vêtements et aussi des colifichets. Par contre, il y avait de l’eau de Cologne, je crois aussi qu’il y avait du Bourbon, sans compter des cadeaux pour quelques personnes de la famille.

Papa était souvent absent pour aller soit visiter les autres centre de recherche soit visiter des fermes cultivant des pommes de terre ou plus rarement du tabac. Maman se retrouvait donc souvent toute seule pour s’occuper de nous les enfants, et faire tourner le ménage. Ainsi, donc, maman un certain après-midi partit dans Versailles réaliser quelques achats indispensables. Elle nous laissait faire la sieste dans nos lits à barreaux. La bonne en charge de nous à l’époque, Émilienne devait nous surveiller, ce qui était son rôle évidement. Il faut dire aussi que maman venait de toucher le salaire de papa. Les salaires en ce temps là étaient toujours versés en espèces, celui de papa était très exactement de 25 000 francs de l’époque ! Maman, à son habitude avait mis cet argent dans le petit coffre en acier qui était dans son armoire de chambre, et comme d’habitude referma le coffre à clef, mais en laissant la clef dessus comme d’habitude.

J’ai un souvenir très précis de cet après-midi là, je ne dormais pas ou bien, je venais peut-être de me réveiller lorsqu’Émilienne pénétra dans notre chambre, la traversa et alla directement dans la chambre des parents. Elle en ressortit presque aussitôt. Il n’y avait pour moi rien d’inquiétant à cela, j’ai certainement dû me rendormir. A son retour, maman alla dans sa chambre et découvrit le larcin immédiatement car Émilienne n’avait pas refermé le coffre après avoir pris tout ce qu’il contenait.

Quelques heures plus tard, une jeep des surplus américains s’arrêta devant le 30 de la rue de l’orangerie, un monsieur en costume en descendit et vint sonner chez nous. Maman conduisit le Commissaire jusqu’à la chambre, y discutèrent quelques instants, ensuite il me fit répéter ce que j’avais dit à maman, il repartit enfin. Il avait aussi demandé à maman si la bonne avait un point de chute sur Versailles, il lui apprit de surcroit que cette fille avait déjà fait de la prison pour vol ! Maman était outrée, elle lui avait fait une confiance absolue depuis qu’elle l’avait recrutée au bureau de placement de l’avenue de Paris qui eux, n’étaient semble-t-il au courant de rien.

Papa à son retour se mit en colère quelques minutes, mais il savait que ça ne changeait rien. Il eut une idée, appela le commissariat et apprit à son chef qu’Émilienne avait une amie qui venait souvent la rechercher le samedi soir et qu’elles allaient toutes deux dans un bal près de la gare des chantiers. Nous étions en début de semaine, cela laissait le temps au commissaire et à ses hommes le temps de préparer leur souricière. Ce qui fut fait, le samedi soir, elles étaient toutes deux sous les verrous. En début de semaine, la jeep refit son apparition devant notre appartement, le commissaire après avoir sonné emmena maman dans la jeep ! Je revois encore sa jupe volant au vent avec son sac de cuir et sa grande bandoulière. Et là au commissariat on annonça à maman que les filles avaient intégralement dépensé (Word connaît mal la grammaire) la totalité de la paye de papa. En effet, dans de jolies valises de marque se trouvaient des jupes, des sous-vêtements, des bijoux et j’en passe. Maman n’en revenait pas, elle dit au commissaire que ces valises que le commissaire lui proposait d’emmener ne l’intéressait en aucune façon, ce qu’elle voulait c’était son argent, car comment survivre tout ce mois ? Il lui répondit qu’il ne pouvait rien pour elle, sinon de prendre ces deux valises ! « Comprenez-vous, c’est mon argent que je veux, rien d’autre. » Maman repartit dans la jeep les bras ballants. Les deux filles passèrent en jugement elles écopèrent de 18 mois de prison ferme. Cela ne changeait rien pour les parents, maman finit par regretter de n’avoir pas pris ces valises. Heureusement grand-mère donna un coup de main aux parents pour finir le mois.

En juillet 1947, le 18 il rentre en Belgique pour un colloque scientifique.

De là, il passe en zone anglaise d’Allemagne puis ensuite au Danemark où avait lieu un congrès. Il ne parlait pas un mot de danois, peu de personnes là-bas parlaient l’anglais, on lui avait donc donné une petite étudiante en uniforme avec calot comme cicérone et traductrice. Une fois il lui demande les toilettes, les WC quoi, elle ne comprend pas, il insiste. Tout à coup elle lance son calot en l’air en criant : « Ah ya pissoir ! »C’est à peu près tout ce que je connais de ce séjour au Danemark. Il en repart le 29 juillet.

 La douane française au vu de ce passeport bizarre (trafiquant ou espion ?), à son retour lui fait subir une fouille en règle (à poil !). Comme d’habitude, il en riait après, mais sur l’instant, ça n’a pas dû le réjouir.

Du 24 au 28 août 1948 il va en Angleterre  en bateau par Boulogne et Douvres.

Du 12 au 14 décembre 1949 il se déplace en Hollande, je n’ai pas de commentaires particuliers non plus

En juin 1950 il est invité à un grand congrès à Stockholm. Tout ce que j’en ai retiré c’est qu’il n’a mangé que du saumon, même dans des éclairs qu’il croyait au chocolat. Aussi un détail qui l’a frappé, que ce soit en Hollande ou en Suède, il fut étonné dans les chambres qu’on lui donnait de n’avoir ni drap de dessus ni couvertures, seulement disait-il un gros édredon tout plat, qu’il faisait tomber tout le temps. Lui qui était si frileux, dans ces pays nordiques, il devait se les cailler.                 

En 1951 papa fut convié à un grand congrès de phytopharmacie à New-York, son discours ferait l’ouverture. Il part en date du 19 novembre 1951.

Il embarqua au Havre sur le liberté EX PAQUEBOT EUROPA ALLEMAND, nous étions à l’automne. Le voyage s’annonçait comme difficile, car de nombreuses perturbations arrivaient face au paquebot, de plus, c’est la mauvaise période. Pourtant dans ce cas là, il était normal de remonter le plus au nord possible afin d’éviter les tempêtes. Route orthodromique naturellement, mais plus accentuée vers le nord, une voie d’évitement en quelque sorte, malheureusement ce n’était pas l’avis des tempêtes qui avaient remonté aussi vers le nord. Papa nous raconta que le bateau était tellement secoué qu’il était seul au restaurant du bord, tous les passagers étaient malades ainsi que certains matelots et beaucoup du service de table, il pouvait donc choisir ce qu’il voulait. La raison de ce mal de mer était dû en grande partie au fait que le paquebot étalait la tempête en marchant à toute petite vitesse, résultat il tanguait, mais roulait plus encore. Pourtant c’était un très beau navire qui avait d’ailleurs bénéficié de certains aménagements du malheureux Normandie qui avait péri dans le port de New-York. Par contre, je suis persuadé que papa nous ait raconté qu’il était parti avec le Liberté et revenu avec le Normandie, cela n’était pas possible car le Normandie avait déjà grillé dans le port de New-York ! Je n’apprendrai rien à personne en disant que papa souvent en rajoutait, il était un peu de Marseille !

Pour en revenir au Liberté, il ramait sur l’océan Atlantique, il finit par arriver à New-York avec près de quatre jours de retard.

Les américains qui attendaient papa, probablement aussi d’autres personnalités d’Europe, reculèrent l’ouverture de leur congrès.

Il put faire son discours en Anglais franchouillard pour le bonheur de ces scientifiques US.

Il touche Le Havre le 23 janvier 1952. 

 

Fredy