Est-ce le risque ?

 

-Comme tout enfant ou adolescent, j’ai fait des bêtises comme allumer du papier journal  dans un lavabo ou encore à moins de dix ans, avec mon frère cadet mettre le martinet dans le poêle Godin qui chauffait le « carré à jouer » au premier étage de la maison de Versailles. 

-J’avais dans l’idée de faire une fusée à l’aide d’un corps de stylo. J’avais construit une rampe de lancement en mécano posé sur le rebord de la fenêtre. J’avais acheté au bureau de tabac de la place St François des pétards, j’en glissais un dans mon stylo et allumais la mèche en le déposant sur la rampe en question. Quelques secondes se passent, mais rien ne se passe. Je suis dégoutté, je prends le stylo-fusée et tripote la mèche, je m’aperçois tout à coup qu’il y a un point rouge. Je n’ai pas le temps de le remettre sur la rampe, ça me pète dans les doigts ! Le stylo a carrément explosé, un pétard reste un pétard, ça ne devient pas une fusée, contrairement à ce que je pensais alors. L’explosif déposé en très petite quantité dans son tube en carton, n’a pas trop de contrainte pour déchirer ce carton, alors qu’en lui imposant une retenue, l’expansion est bien plus importante, et même dangereuse, mais cela je l’ai appris à mes dépends. J’avais les doigts dans un sale état, plusieurs de ceux-ci étaient pratiquement décalottés, des lambeaux de peau retombaient, je me mis force mercurochrome et poudre d’exoseptoplix et des tas de pansements. Quant à mon visage noircis, il n’avait pratiquement rien, à part quelques cils légèrement brûlés. Je ne me souviens plus de la réaction de maman, mais je pense qu’elle avait compris que moi, j’avais compris ! 

-A peu près à cette même époque, le jardin était grand et il y avait de nombreux arbres, chênes et châtaigniers,  qui perdaient à l’automne énormément de feuilles. Il fallait avec ma mère, les ratisser, en faire de gros tas à un endroit sélectionné pour minimiser les risques. Toujours avec elle, nous enflammions ces tas, mais l’un après l’autre pour n’avoir à en surveiller qu’un seul à la fois. Lorsque maman repartait à ses activités dans la maison, elle nous recommandait à mon frère et moi de rester à côté, le tuyau d’arrosage prêt, au cas où. Nous suivions à peu près ses recommandations, mais étions fascinés par le feu, maman ne s’en rendait pas compte. (Je pense d’ailleurs que tous les enfants le sont, peut-être est-ce une réminiscence de nos ancêtres lorsqu’ils découvrirent enfin le feu.) Nous faisions toutes sortes d’expériences dès que nous n’étions plus surveillés. Nous tentions de voir ce qui pouvait brûler ou non avec toutes sortes d’objets divers. Le plastique dans les années 50 n’avait pas encore tout envahi dans la vie de l’époque, mais déjà certains objets usuels l’étaient, tels que  peignes, objets de la trousse d’écolier, et particulièrement les stylos BIC tout récents, non démontables. Ces différentes matières produisaient des flammes bizarres, colorées, bigarrées même, en dégageant des odeurs nauséabondes qui nous faisaient tousser. Nous faisions brûler aussi les diverses poudres destinées à traiter les rosiers en particulier, certaines restaient inertes, mais certaines comme le souffre nous plaisaient particulièrement, mais là, nous faisaient horriblement tousser et pleurer. Mais c’était étonnant de voir ces flammes courtes jaunes que produisent le souffre, qui devenaient d’un beau bleu par la suite, le front de flamme jaune avançait un peu comme la vague qui avance sur la plage. Ensuite nous nous mettions au défi de sauter par-dessus les flammes. Je dois l’avouer, maintenant, j’étais un peu plus timoré que mon frère André qui, inconscient je crois, bondissait maladroitement au dessus du feu. Voyant qu’il ne lui arrivait rien, j’en fis autant, mais lui trouvant cela probablement excitant continuait de plus belle, tant et si bien qu’à un certain moment, en se réceptionnant sur ses courtes jambes, il glissa et tomba les fesses dans le feu ! Heureusement pour nous et pour lui tout particulièrement, il n’y avait plus de grandes flammes et son postérieur a eu plutôt tendance à étouffer celui-ci ! Malgré tout son short surtout et ses cuisses étaient plus ou moins noirs, il commençait à pleurer, je lui dis que nous allions arranger cela avec le jet d’eau, ce que je fis. En fait, il n’était pas brûlé du tout, seulement noirci, par contre, le jet d’eau ne nettoyait rien du tout, et il fallut que je m’explique avec maman ! Je fus puni en tant qu’aîné qui avait laissé faire des bêtises à son petit frère, mais André aussi. L’idée d’avoir voulu le nettoyer au jet d’eau n’était pas si mauvaise, je pense, même si cela n’avait rien nettoyé, car en fait ça lui a peut-être évité de vraies brûlures. Enfin c’est ce que décréta mon père par la suite après une bonne fessée au martinet (neuf et bien caché celui-là !) 

-En 1955, Nous étions en vacance de Pâques pour la première fois à Villemagne, notre père avait acheté le tiers d’une énorme bâtisse en pierre, style gendarmerie ! Mes parents eurent la surprise en arrivant de découvrir qu’il n’y avait pas d’eau, cet état de choses durait depuis plus de 12 ou 15 ans, mais cela est une autre histoire, je l’ai conté par ailleurs. Mes frères et sœurs étions là assez libres de nos mouvements, et quand on ne se baladait pas avec les parents et la bonne, nous furetions ici ou là. A une demi-heure de la maison, il y avait un barrage tout en pierre, pas un pouce de béton, il datait d’avant guerre évidement. Jean-Marie, Marie-Thérèse, André et moi avions décidé d’aller nous baigner dans ce fameux barrage malgré le panneau indiquant : « Baignade interdite ». André, prudent tout de même commença par aller sur le bord en pente douce en pénétrant lentement dans l’eau. Su le barrage deux ou trois jeunes parisiennes allongées, prenant le soleil de printemps,  venues dont on ne sait où, attirèrent mes regards d’adolescent Bravement, je m’avançais sur le barrage et plongeait directement. L’eau était glaciale, mais glaciale, tout en m’enfonçant dans l’eau, je me dis que j’allais me noyer. Je réussis tout de même à remonter, à peine à la surface, je n’arrivais pas à respirer, j’avais l’impression que mes poumons étaient compressés, je haletais tout en faisant des grands « hein…, hein… » pour respirer et pus nager jusqu’au bord sans trop de peine enfin. Là haut, les filles se marraient. Je ne demandais pas mon reste et repartis pour la maison. 

-En 1958 j’étais dans une école technique-automobile. Ce jour là ma section était à l’atelier de mécanique, les uns tentaient de dépanner des moteurs sur bancs où notre professeur avait mis une panne cachée, les autres travaillaient à l’entretien de voitures appartenant à des personnes de l’école. J’étais dans le magasin d’outillage. Chacun de nous y passait à son tour. On y délivrait des outillages spécifiques moyennant un jeton métallique. J’étais donc tranquillement à « coincer la bulle » lorsque tout à coup, à dix mètres de moi, je vis des flammes sortir du capot arrière d’une 4 chevaux Renault. Le jeune qui nettoyait le logement-moteur (à l’essence) ainsi que le moteur proprement dit fit une énorme bourde : Il avait omis de débrancher la batterie. En passant son pinceau, dont le support des poils était métallique, sur le cadre support de la batterie, il créa un arc électrique sur la borne + de la batterie. Le résultat fut immédiat, l’embrasement  de l’ensemble surprit le jeune, il en lâcha le bidon d’essence, aggravant ainsi  l’incendie. Lui-même avait la manche et le bras tout entier en feu. Je compris immédiatement ce qu’il fallait faire : Dans le local d’outillage il y avait un gros extincteur de 10 Kg, je l’ai saisi d’un seul coup tout en dégoupillant le système et arrivait sur les lieux en  quelques toutes petites secondes. Dans le même temps, j’aperçus au loin l’atelier d’ajustage où le professeur (un grand gaillard d’un mètre quatre vingt dix) qui, ayant vu la scène, avait saisi lui-aussi un extincteur, et, tel un coureur de saut de haies, passait par-dessus les établis pour venir jusqu’à nous en maintenant l’extincteur collé contre son torse avec son bras droit. Il avait bien une quarantaine de mètres à parcourir, étonnant, je le revois encore ! De mon côté je n’étais pas resté inactif, j’avais commencé par arroser le jeune qui fut à peine brûlé, puis ensuite le logement du moteur de la voiture. L’incendie était éteint lorsque le professeur arriva avec son extincteur, il semblait vexé d’être arrivé trop tard... Notre professeur de mécanique, Mr Galtier qui était à l’extérieur de l’atelier et était penché avec deux élèves sous le capot d’une 203 récalcitrante. Il arriva après la bataille et je vis bien qu’il était très embêté, sa responsabilité était engagée. L’incident était clos (je n’ai pas dit l’incendie) et l’on n’en parla plus. 

-Alors que j’étais dans cette école, je m’étais inscrit à la préparation militaire parachutiste. Tous les samedi matin ou presque, j’allais rue Lakanal où chacun de nous en tenue camouflée suivions des cours traitant des devoirs des soldats, de l’armement et aussi du parachutisme. Nous faisions aussi du tir à la carabine 22 long rifle (c’étaient des carabines Mauser, très belles mécaniques) généralement « en position du tireur couché » et à une cinquantaine de mètres. Je n’étais pas trop mauvais. Il fallait aussi démonter plusieurs armes et les remonter dans un temps défini, là, j’étais le meilleur, j’en étais fier. Il y avait une salle spéciale avec des agrès pour l’entrainement parachutiste proprement dit. Il y avait entre autres un mur d’environ deux mètre quarante où l’on se mettait les pieds joints, et, d’un petit saut de côté on sautait par terre.  Je n’aimais pas du tout cela, il fallait en plus garder les coudes au corps et les poignets sous le menton,  et arrivés au sol, nous devions faire le roulé-boulé. Nous n’avions pas comme à Pau de tours de départ et d’arrivée, les sous-officiers qui s’occupaient de nous expliquaient que ça n’était pas absolument nécessaire. Nous faisions énormément de tractions à la barre fixe ce qui nous entraînait à faire les tractions sur les suspentes des harnais pendus dans le grand hangar. En effet quand nous serions en l’air sous notre coupole, le seul moyen du parachutiste pour lutter contre le vent horizontal est de faire des tractions avec les deux suspentes face au vent, de cette manière, la coupole s’incline et par effet de réaction se dirige vers le vent, ralentissant ainsi la vitesse horizontale et permettant au bonhomme de ne pas être ripé à l’arrivée au sol. Au bout de quelques mois nous sommes allés faire une période bloquée d’une dizaine de jours au camp des Garrigues près de Nîmes. On nous avait dotés de MAS 36, l’arme alors qui équipait toute l’armée. Nous faisions des tirs à la MAT 49 aussi en dotation dans l’armée. Par contre pour faire le parcours du combattant on nous donnait de vieilles STEN anglaises (de vraies boîtes de conserves). En fait, je me régalais, nous faisions bien quelques marches, mais j’étais déjà aguerris par le scoutisme. Je suis même monté dans un char américain SHAFFI équipé de moteur Cadillac en étoile, super ! Et puis à la fin de l’été enfin on nous annonça que notre premier saut serait pour dans trois semaines. Là, par contre, il y a quelque chose qui se serra dans mon ventre ! Ce samedi enfin arriva, j’étais glacé (il faut dire qu’il était 3 ou 4 heure du matin, je ne sais plus), la peur était palpable dan le camion Citroën P45 qui nous emmenait à Aix les Milles, Nous étions tous glagla si je puis dire, mais le sous-off nous fait chanter : « En sautant par la portière… ! » En arrivant sur le terrain d’aviation des Milles, le DAKOTA nous attendait, certains d’entre nous faisaient de grossières plaisanteries, mais c’était pour se donner du cœur, je pense. Nous nous équipons, ça on sait faire : Enfiler le pépin, bien s’asseoir sur la sangle inférieure, passer les deux courroies dans le pli de l’aine gauche et droite sous la sangle principale, puis les ramener vers la poitrine, les glisser dans la barrette d’acier qui vient ensuite se placer sur la suspente gauche, verrouillée par une grosse épingle. Maintenant, pose du ventral avec les clips automatiques sur les deux suspentes gauches et droites au niveau de la poitrine, ensuite seulement les deux sangles gauches et droites vont solidariser les deux pépins. Nous sommes prêts, mais toujours pas rassurés. On nous explique qu’en temps que prémilitaires nous allons sauter « en position ». Contrairement aux militaires qui sautent à la queue leu leu à fond de train. Nous allons chacun à notre tour nous mettre devant la porte, poser les mains à l’extérieur de la carlingue, un pied en avant et attendre le « go » du moniteur. Nous portons le casque léger et le casque lourd par-dessus, ça n’est pas pratique. Nous grimpons dans l’avion, les deux moteurs ronflent, j’ai un peu oublié ma peur, nos sourires sont tout de même un peu crispés. Il se trouve que tout à fait par hasard, je serais le premier à la porte. Le moniteur lance : « debout, accrochez. »Nous voilà maintenant tenant le mousqueton de la sangle SOA qui va permettre d’ouvrir notre pépin. Le moniteur contrôle les épingles de sécurité, le bon déroulement de la SOA, qu’elle ne soit pas glissée sous le harnais. Puis : « En position. » Je suis à la porte, je ne ressens plus rien, je découvre le paysage, c’est beau, pourtant il y a une marche de 450 mètres. La lumière verte s’allume, le moniteur me tape sur l’épaule gauche et : « GO. » Sans même y penser, comme si je l’avais toujours fait, je lance comme prévu en balançant ma jambe droite dans le vide. Je suis aspiré par un maelstrom, j’ai le nez en l’air et voudrais voir, seulement voilà le pépin s’ouvre tellement brutalement que je n’ai rien vu et ne vois plus rien, mes deux casques se sont croisés un pour l’œil gauche l’autre pour le droit. Je les remets en place je vogue dans l’air, mais il se passe quelque chose, je tourne comme une toupie. En effet, j’ai des TWISTS, je dois donc prendre les deux groupes de suspentes et les écarte le plus loin possible pour que tout prenne sa place. Tout va bien, mes suspentes vont bien, mais j’entends du sol un porte-voix : « Gardez la position nom de Dieu, faites les tractions, les pieds parallèles. » Il n’a pas fini de parler que je vois le sol se précipiter sur moi. Patatras, je suis arrivé, je n’ai pas fait le roulé-boulé, mais tout va bien et je suis dégoutté, je n’ai pas eu le temps de profiter en l’air… 

-Quelques années plus tard, étant en Algérie en 1962, j’avais pour mission de faire brûler un énorme tas de troncs d’arbres, de caisses de munitions vides, de vieilles couvertures et de toutes sortes de choses inflammables. En effet, nous quittions le campement provisoire de ma compagnie de transmission de la Coloniale à saint Lucien, près de la commune de Lauriers Roses pour aller nous installer à Sidi-Bel-Abbès dans le quartier vétérinaire de la Légion Étrangère. L’armée préparait déjà son repli vers la métropole. Mon capitaine ne voulait emporter que le strict nécessaire, la place allait nous manquer. C’est pourquoi, en cet après-midi de cagnard, je continuais à entasser un maximum de choses. Le tas devait culminer (si je puis dire) à près de trois mètres. Je pris alors un premier jerrican d’essence et arrosait copieusement  tout le tour de mon tas de bois, il faisait excessivement chaud (au dessus de 40° évidement, c’était le début de l’été), je n’avais pas fini de faire le tour du tas lorsque le jerrican fut vide, je courus en chercher un autre car avec l’évaporation qu’il y avait je craignais que toute l’essence ne soit totalement partie lorsque j’allumerais. Avec mon deuxième jerrican, je finis mon tour, puis fis un chemin avec l’essence en reculant. Je fis ainsi une quinzaine de mètres. Je jugeais alors être à une bonne distance pour allumer. Je m’accroupis alors, sortis mon briquet tout en remarquant que devant moi, par une sorte de mirage, toute ma vue était trouble, toutes les lignes droites étaient tortillées, c’était l’essence qui continuait à s’évaporer en faisant des zig-zags. J’aurais dû me méfier, mais je pensais bien être à l’abri. J’imaginais que ma flamme allait tranquillement suivre le chemin que je lui avais tracé pour enfin arriver au tas de bois. J’appuyais sur le bouton de mon briquet à gaz : BLOUMM. Une explosion terrible se produisit alors, je m’étais retrouvé sur le dos. Heureusement pour moi, nous étions en pleine nature, rien n’empêchait l’expansion de l’explosion. Il aurait fallu que je sois au moins vingt mètres plus loin, il aurait surtout fallu faire ce feu au petit matin. En fait, ce qui s’était passé, c’est que j’étais entouré de vapeurs d’essence, lorsque j’actionnais mon briquet, le simple fait de la pierre frottée enflamma ces vapeurs provoquant leur explosion. Je n’étais pas assez loin pour ne rien risquer, mais aussi pas assez près pour risquer ma vie. Très peu des gadjos de la compagnie ont entendu l’explosion, ceux qui l’ont entendu étaient en vacation radio et pensaient tout simplement que c’était une grenade au café du village, mieux valait ne pas s’en mêler ! Ce qui fait que si j’avais été gravement blessé, personne ne serait venu à mon secours. J’avais tout de même le visage, les mains et les cuisses noircies et rouge en même temps, et surtout, plus de cils, les sourcils et la moustache grillés et je sentais le poulet qu’on passe à la flamme pour enlever les derniers duvets !!! Le soir quand j’arrivais au mess pour dîner ce fut l’hilarité générale, Je ne m’étais pas encore vu dans un miroir. Ce fut l’occasion de multiples tournées d’anisette dont je fis en grande partie les frais. Mes cils mirent très longtemps à repousser. Quant à ma moustache, je la coupais pour la laisser repousser quelques semaines plus tard. Mon capitaine m’appelait en rigolant : « Le rescapé. » 

-Bien que sollicité par le capitaine Legall mon commandant de compagnie en Algérie, je ne me suis pas engagé à la fin de mon service, j’étais pourtant intéressé, mais me retrouver dans une caserne en France, cloîtré, j’ai renoncé. Quelques temps plus tard, me voilà donc à Suresnes chez des cousins. Je travaille à La Plaine St Denis, c’est une chance que ma tante ait pu m’héberger. Nous sommes un dimanche après-midi, avec Denis (je cohabite avec lui dans sa chambre) nous nous promenons dans une rue de Suresnes très chargée en circulation, les quais de Seine eux, sont complètement bloqués. Nous devisons en marchant le long des autos qui sont là aussi très embouteillées. La rue est en sens unique si je me souviens bien et des maisons de deux ou trois étages la bordent de chaque côté. Les avertisseurs s’en donnent à cœur joie, tout à coup, quelqu’un crie : « Attention il y a une auto qui brûle.» Nous courons tous les deux dans la direction des cris, alors que les passants se sauvent dans l’autre sens en hurlant : « Ca va exploser ! » Nous approchons et nous pouvons voir qu’en effet une vieille Simca 8 est en flammes, non, j’exagère, seules des flammes sortent du capot de part et d’autre des deux ailes avant. La propriétaire est complètement affolée. Aidé de mon cousin, nous tentons d’ouvrir le capot, mais il semble que notre action attise encore les flammes. Il nous faut un extincteur, c’est évident. Nous crions à la cantonade aux habitants qui regardent de leurs fenêtres avec anxiété : « Auriez-vous un extincteur ? » Personne ne nous répond, certains vont jusqu’à fermer leurs persiennes ! Nous courons le long des voitures pour trouver cet objet : Rien. Quant enfin un chauffeur de car nous prête un gros extincteur. Il a vu dans son rétro les flammes, il est bien sympa, c’est le seul. Nous courons de nouveau en sens opposé. Nous ouvrons enfin le capot, le moteur tourne toujours malgré le contact coupé. Le fil de liaison à la magnéto a dû cramer. En dix secondes, les flammes sont stoppées. Première des choses, je ferme l’arrivée d’essence En effet sur ce genre de vieilles autos le réservoir d’essence est en charge au-dessus du moteur. Avec une clef de maison, je fais court circuit sur la magnéto, le moteur enfin s’arrête. Mais parmi les fils dénudés et cramés, ça grésille. Il faut couper la batterie, sinon, ça va probablement recommencer. La conductrice de la Simca n’a aucune idée de l’emplacement de la batterie, je cherche, ne trouve pas, mais je remarque que le câble qui va au démarreur passe sous le réservoir. Il faut chercher vers l’arrière, elle n’est pas du côté de la malle arrière, je finis par la trouver sous le coussin du siège arrière. Mais voilà j’ai les mains dans les poches, donc, aucun outil. Un habitant un peu plus empressé que les autres me prête une clef à molette que je lui rends presque immédiatement, la cosse ayant été rapidement démontée. Nous poussons la voiture à moitié sur le trottoir ; la conductrice se fait prier pour aller jusqu’à l’autocar pour lui rendre son bien et afin qu’elle donne ses coordonnées au chauffeur. C’est vrai que dans cette rue assez étroite encadrée de petits immeubles, ça aurait pu provoquer un très très gros pépin. Nous sommes repartis tranquillement sans que quiconque nous adresse le moindre remerciement. Ah non, erreur le chauffeur du car nous a dit : « Sans vous… »  

-1966, je suis installé dans un petit HLM du village de Précy sur Oise avec ma femme et ma fille ; c’est mon beau-père (adjoint au maire) qui nous a procuré cet appartement pour fuir Paris. Je travaille à Gennevilliers et ne met pas plus de temps à aller au travail que lorsque j’habitais dans le XI ème arrondissement. Ma femme prend le train et la société d’assurance où elle travaille est près de la gare du Nord. Nous sommes au vert à la campagne, en plus, nous louons à 50 mètres de l’immeuble un terrain clos de hauts mur d’environ 1500 mètres carrés où nous passons le plus clair de notre temps quand il fait beau, Je ne fais pas trop de culture, mais la plus grande partie est en herbe (je n’ai pas dit gazon), à l’extrémité j’ai construit une petite baraque en rondins pour ma fille Laure. C’était un week-end, nous étions confortablement installés cet après-midi là. Beaucoup d’habitants sont partis ici ou là à se balader ou à jardiner. Nous entendons tout à coup : « Au feu, au feu ! » Je cours dehors pour voir de quoi il retourne. Dans la montée contigüe à la nôtre, au premier étage, une femme et sa fille hurlent qu’il y a le feu dans son séjour et qu’elles ne peuvent  aller jusqu’à sa porte d’entrée. Je lui crie : « J’arrive avec une échelle, j’en ai pour une minute. » Je retraverse la rue et vais vers le petit pavillon de mes beaux-parents où, je le sais il y a une grande échelle qui doit faire près de 7 mètres. Lorsque je reviens avec l’échelle en question je m’aperçois qu’un joli nuage de fumée noire sort par la fenêtre de la dame en question. Celle-ci a déjà posé sa petite fille sur le rebord de la fenêtre et la tient par les hanches. J’appuie l’échelle, grimpe rapidement et empoigne la gamine sous le bras, et j’invite alors la voisine à enjamber le bord en s’agrippant à l’échelle qui dépasse largement. Elle a très peur du feu, mais n’ose pas pour autant enjamber. Je remonte et là je l’aide à sortir puis à descendre guidée par mes deux bras contre ses hanches. Pendant que nous descendons, ne voilà-t-il pas que les pompiers arrivent ! L’incident est clos pour moi, je retourne au jardin après avoir remis l’échelle à sa place chez mon beau-père qui était devant sa télé et n’avait pas compris ma précipitation de tout à l’heure. 

-1968, Étant inspecteur technique chez Général Motors France, je travaille maintenant sur une large partie du Centre et Centre-Est de la France. Nous sommes en milieu de matinée, j’arrive de Chambéry et viens de sortir du tunnel du Chat. J’éteins mes phares, la route descend assez raide vers la plaine de l’Ain. Cette route a la particularité d’être bordée par une sorte de trottoir en pavés de granit à peine dégrossis. Il y a pas mal de circulation en sens inverse, et je vois face à moi un Simca 1500 qui monte, talonnée par un « gros cul » qui klaxonne à tout va. En une fraction de seconde, j’ai compris le drame qui se jouait. Des flammes sortent des ouïes du capot de la Simca, et des flammes passent aussi dessous. Le chauffeur du poids lourd ne voit pas les flammes et il serre de très près la voiture. Je fais quantité d’appels de phares, peut-être le chauffeur a-t-il compris, toujours est-il que la 1500 arrive à monter sur le petit trottoir et à s’arrêter. Non, le chauffeur n’a pas compris car il klaxonne en continu en dépassant la Simca. Entre temps, je suis arrivé moi-aussi à m’arrêter sur le bas-côté. Je coupe le contact, la clef dans la poche, on ne sait jamais. Je sors de ma voiture avec l’extincteur sous le bras dont toutes les voitures de la société sont dotées, et traverse la route entre les voitures qui montent. Arrivé sur place, je trouve les deux occupants en train de sortir de l’auto. Je demande immédiatement  au conducteur de m’ouvrir le capot, il ne sait plus ! Moi, je sais, mon beau-père a eu la même auto : Il y a une minuscule boite à gants à gauche du tableau des instruments, et à l’intérieur, la tirette de capot. J’actionne la tirette et vais sur le devant de la voiture lorsque femme crie : « Et le bébé ? »(Elle a peut-être prononcé son nom, mais je ne m’en souviens plus). En effet, elle ouvre la porte arrière et sort le bébé avec son landau ! Je suis scié ! Ils avaient oublié leur bébé ! Des flammes sortent de toutes part du capot, je ne peux me risquer à y mettre les mains, c’est alors avec la poignée plastique de l’extincteur que j’arrive à décrocher la sécurité du capot, puis à l’ouvrir totalement. Je percute mon extincteur et arrose consciencieusement la base de flammes. Entre temps, le moteur s’est arrêté, mais l’essence pisse encore et s’enflamme quelques secondes. Le carburateur a totalement fondu  ce qui explique l’arrêt du moteur. Le feu enfin s’étouffe. Je demande alors au couple inconscient de me donner leur nom et adresse, car je dois repartir avec mon extincteur à la poignée fondue. On me serre la main et je repars. Quand je pense que le couple, pour un peu, aurait laissé leur enfant cramer sous leurs yeux !

Fredy