Des massettes, pour quoi faire ?...

Création d’une nouvelle station d’épuration.

 

 

En Septembre 2001, le conseil municipal de Carnas (Gard) votait la création d’une nouvelle station d’épuration avec un système d’avant-garde, des roseaux, de leur vrai nom massettes.

La massette est un grand roseau appelé aussi roseau-massue ou encore quenouille, dont les fleurs femelles forment un épi compact d’aspect brun et velouté. (Genre Typha ; famille des typhacées.)[Conf. Petit Larousse illustré.]

Dans mon enfance, je me souviens qu’il y en avait dans la mare de ma grand-mère (en Normandie, à Saussay), et à cette époque difficile de l’occupation on utilisait la partie marron et douce de l’épi pour remplir les matelas d’enfant ou les oreillers, c’était très doux, mais rapidement en quelques mois, ça se tassait et devenait assez compact.

Revenons à nos moutons : une station, nous en avions une qui, vous le savez, posait problème. Cette station était composée au principal par une grande cuve de béton, parallélépipédique, dotée d’un grand nombre de tubes en inox verticaux qui injectaient de l’air sous pression pour favoriser la prolifération des bactéries aérobies.

Malheureusement, pour des raisons obscures, ce système fonctionnait très mal voire, pas du tout. Il fallait passer devant, tout particulièrement en été pour s’en convaincre. L’odeur était pestilentielle et les berges du ruisseau d’écoulement noire comme du charbon, transportant cette mauvaise odeur sur tout son cours. On imagine les effets sur la nappe phréatique…

A cette époque, en 2001, nous avions en cours une demande de subventions pour réaliser la remise en état de cette station. Fallait-il croire que la réhabilitation était possible, certains d’entre-nous en doutaient ? Notons aussi, qu’elle avait déjà subi des transformations par le passé, pour quel résultat ?

Des élus avaient visité au mois de juin 2001, au sud de l’Ardèche, une station d’épuration fonctionnant totalement en gravitaire et équipée de grands bassins de graviers formant filtres, plantés de ces fameux roseaux. Tous les élus présents (la plupart du Gard) furent très impressionnés par l’aspect « écolo », mais aussi reposant et agréable à l’œil. L’absence d’odeur et la qualité de l’eau à la sortie leur a paru comme les qualités premières de ce système. Chacun d’eux repartit dans sa commune, enchanté, et décidé à en parler à leur conseil municipal dès leur retour.

C’et ce qui fut fait à Carnas, voilà pourquoi en septembre de cette même année, le conseil décréta l’annulation de la demande de subventions pour la réparation de la « vieille station », et vota pour la création d’une « nouvelle station » dotée de ces fameux roseaux, le tout agrémenté d’une demande de subventions, cela va de soi.

Là, par contre, nous eûmes à subir les arcanes de l’administration. Nous découvrions. Rien n’est simple : je dirai même, tout est compliqué.

La DDE (Direction Départementale de l’Equipement), avait été choisie comme Maître d’œuvre. Le premier travail était de prendre contact avec le terrain. Tout d’abord il fallait que le géomètre transmette toutes les données de celui-ci. Puis, Mlle.Isabelle Laurin de la DDE par son travail d’ingénierie réalisa des plans, des coupes, calcula les matériaux nécessaires, afin de créer un cahier des charges très précis. Appel d’offres et réponses, suivi de l’ouverture des plis le 25 février 2003 (six entreprises avaient répondu) permettraient de choisir la «  bonne entreprise », celle qui réaliserait notre station. Après plusieurs semaines d’étude, nous pûmes enfin faire notre choix. Cela n’était pas simple, car de très performantes entreprises étaient sur notre liste, les prix tout en étant un critère déterminant, n’étaient pas le seul. Il fallait tenir compte de la proximité, du savoir-faire cela s’entend, mais aussi des références constatables et de quantité d’autres facteurs. EPUR NATURE fut enfin choisie, il se trouve que c’était elle qui avait construit la station de Saint Thomé que nous avions visité en juin 2001. C’est pratiquement sans tenir compte de cet élément qu’elle fut prise. Seuls des critères précis ont justifié notre décision.

 

 

Mise en œuvre : 

Cette entreprise, EPUR NATURE  nous rencontra une première fois en mairie le 24 juillet 2003. M. Pietri de Epur Nature sera la personne la plus présente sur nos réunions de chantier, et aussi la plus efficace dans ses actions, il est vrai que jamais rien n’est simple ou évident dans un tel chantier. Le début des travaux fut prévu pour la période des vendanges 2003 très précisément le 1er septembre puis repoussée de quelques semaines, le sous-traitant pour les terrassements s’étant désisté. Ce n’est qu’aux derniers jours d’Août que M.Pietri  trouva un nouveau sous-traitant.

Les premiers engins arrivent fin septembre et commencent à creuser.

Las, le 30 septembre, à peine les contours des bassins avaient-ils été délimités, que les trombes du ciel firent stopper toute action pendant plusieurs semaines. Malgré tout, l’entreprise Barral-Muñoz de Saint Hippolyte du Fort fit fort bien son travail de terrassement, avec tout de même parfois quelques interruptions dues le plus souvent à des précipitations. M. Oswald de la DDE suivit et dirigea de concert avec la municipalité tout le chantier faisant preuve de professionnalisme et de rigueur du début à la fin.

A la mi janvier 2004 l’entreprise Epur Nature envoie du personnel pour commencer la mise en œuvre du bassin inférieur. On a pu constater l’efficacité et la maîtrise de Fred tant sur l’utilisation de sa pelle mécanique que sur son organisation lors de diverses tâches. Le travail présent consiste à recouvrir le bassin, tout d’abord d’un feutre assez épais pour absorber les quelques inégalités du sol, ensuite par-dessus une membrane réalisée en un matériau imputrescible (proche du butyl) insensible aux UV proche de la matière utilisée pour les chambres à air de camion. Cette opération étant réalisée, non sans mal, car cette membrane est d’un seul tenant, (réalisée en usine avec les pentes des bords) et doit trouver très précisément sa place. Ensuite, une bande de protection semi rigide est déposée sur toute la périphérie pour protéger les bordures de la membrane. Maintenant, sachant que le fond est légèrement pentu, dans la partie la plus basse est disposé un tube drain sur toute la longueur du bassin et relié à la sortie définitive de la station. Un autre tube doté aussi de fentes comme le premier est disposé dans la partie haute mais est relié lui, en son centre, à l’arrivée des effluents. Le tout, maintenant est recouvert en totalité par un gravier de silice d’une granulométrie assez importante, là, plus tard y seront plantés les fameux roseaux.

Pendant ce temps, Barral-Muñoz continue de mettre en place le bassin supérieur (qui sera finalement séparé en trois), de gros volumes de terre sont nécessaires, on croirait un fort Vauban qui sort de terre ! Avec toute ces hauteurs de terre (appelées digues), la grosse pelle sur chenilles d’EPUR Nature, qui a pris le relais à la fin janvier a des difficultés, car en certains points la veine de roche est très dures, et le fond du bassin doit être le plus lisse possible.

Dans le même temps sont menés de front trois installations de plus petite importance quant au volume : c’est d’abord un caisson de sortie du bassin inférieur avec un tube semi vertical qui permettra de régler la hauteur d’eau dans celui-ci (très proche du niveau supérieur des graviers). Lui faisant suite un deuxième caisson de béton qui permettra lui, de faire le contrôle de débit à la sortie finale. Un troisième caisson, quasi cubique servira à faire une sélection de la sortie du bassin supérieur soit vers le bassin inférieur soit en retour sur les bassins supérieurs (en recyclage, pourrait-on dire).

Lorsque les finitions en terre du bassin supérieur sont terminées, l’opération de pose du feutre, de la membrane et de la protection des rives se reproduit, mais avec plus d’ampleur. En effet, la membrane pèse excessivement lourd, (tout se fait à l’aide de la pelle hydraulique) et elle doit être posée parfaitement afin que ses angles soient parfaitement adaptés aux angles du bassin. Heureusement, les cotes ont été parfaitement prises et la réalisation a été tout aussi parfaite.

La-dessus, Barral-Muñoz est de nouveau mis à contribution car il faut enterrer un énorme cylindre préfabriqué de fibre de verre de plus de 2 m de diamètre et de près de 6 m de longueur, ou plutôt de profondeur. Là, nous n’avons que de la roche à partir de 20 cm de profondeur, le brise-roche et la grande pelle ont travaillé durement de concert. Après trois jours de travail, le  trou  ou plutôt l’excavation est réalisée. Le cylindre maintenant est scellé au fond de son excavation après que les divers raccordements aient été réalisés : l’arrivée brute des effluents, le retour du recyclage, et enfin, les trois sorties vers le bassin supérieur qui seront reliées aux trois pompes noyées installées dans le cylindre.

A présent, un très grand nombre de tuyauteries de PVC vont trouver leur place dans ce grand bassin. En tout premier lieu les tuyauteries d’arrivée des effluents, chaque pompe aura un secteur d’influence d’un tiers du bassin. Une première couche de gravier de silice recouvre ces entrelacs, seuls débouchent douze tubes verticaux. Par la suite deux séries de tubes préfendus sur toute leur longueur sont déposés avec des liaisons verticales aux extrémités des bassins. Ce sont les aérateurs qui aideront les roseaux à provoquer la prolifération des bactéries. Une couche de gravier les sépare. Enfin, les cloisons effectives des trois bassins sont réalisées dès que le gravier arrive au niveau prévu. Dans le même temps, les quatre tubes de sortie de chacun des trois bassins sont dotés dans leur partie aérienne de tubes inox et non plus PVC. Ils sont, d’autre part entourés de gros galet sur un diamètre d’environ 70 cm.

Il reste maintenant à installer l’armoire électrique qui commandera  automatiquement le fonctionnement des trois pompes. Arrive le moment de finir la tranchée de raccordement jusqu’au tampon qui alimente la station ancienne, puis de raccorder définitivement la nouvelle (27 avril 2004) = mise en route.

D’autres travaux ont été réalisés dans le même temps, comme les accès et la piste tout autour des bassins, la ceinture de grillage et sa porte d’entrée, puis l’engazonnement des pentes des digues pour les maintenir en place.

Le 12 mai, enfin, les fameux roseaux sont repiqués. On verra d’ailleurs une croissance rapide de ceux plantés dans le bassin inférieur, fait logique, car ils sont « les pieds dans l’eau », pourrait-on dire.

Barral-Muñoz est revenu sur site pour détruire l’ancienne station de béton et enlever tous les gravats. Ce site, nos deux gardes Roland Rougier et Gilles DiBernardo vont totalement le nettoyer : le sol, mais aussi la végétation (en effet certains arbres sont morts et les ronces sont venues les remplacer). Nous tenons à présenter un lieu propre et attrayant pour l’inauguration.

Toute chose a une fin, la réception des travaux est réalisée le 2 juin 2004, la réception est définitive, elle est contresignée par les diverses parties.

La station est inaugurée le 17 juin 2004 (fait relaté dans « en bref »).

 

 

Principe de fonctionnement : 

Le cylindre de réception des effluents représente un très gros volume, les trois pompes y sont plongées verticalement et totalement noyées. Chacune d’entre elles va être en ordre de marche et prête à démarrer sur demande du système électrique et électronique pendant 56 heures, chacune à son tour. Si on calcule rapidement cela donne 56 h x 3 soit 168 h ce qui correspond à une semaine (24x7=168). En clair cela veut dire que chacun des trois bassins sera arrosé chaque semaine un tiers du temps. Chacune des pompes ne reçoivent l’ordre de démarrer que lorsqu’ un certain niveau est atteint dans la cuve, elle aura débité environ 2 m3, lorsque le niveau inférieur est atteint. Le temps de débit est à peu près de 1 minute à 1 minute et demie. Aux heures de pointe d’eaux usées, c’est à dire le matin, autours de midi et en fin de soirée, les mises en route sont plus fréquentes car les égouts débitent. La nuit, au contraire, les pompes sont souvent au repos plusieurs heures.

Dès que la pompe débite sur son lit, les effluents traversent rapidement les graviers (environ 70 cm, et ce en quelques minutes) pour se retrouver après ce premier filtrage dans le répartiteur cubique. Là, un système simple va renvoyer une partie des effluents vers la cuve des pompes, alors que le plus gros  volume part vers le bassin final (dosage réglable). Pour ce bassin inférieur la filtration n’est pas verticale mais  horizontale car le niveau  du bassin est maintenu artificiellement au ras de la surface des graviers. Le liquide va donc se déplacer lentement vers le rejet final. En sortie de ce rejet, on peut constater que l’eau est claire et sans odeur. Les derniers contrôles du SATESE avec M. Moussard le prouvent.

Revenons à nos massettes, pourquoi ces roseaux. Deux raisons à cela : en premier lieu, ces végétaux consomment une quantité non négligeable de liquide (variable suivant les saisons), mais surtout, et c’est là le plus important, ses rhizomes ou racines provoquent une oxygénation tout autours d’elles, ce qui va favoriser hautement la prolifération des bactéries aérobies. Ce sont ces bactéries microscopiques en effet, qui vont détruire la majorité de la partie agressive des effluents.

Mon texte est peut-être un peu long, un peu lourd aussi, mais d’aucuns désiraient tout savoir sur cette nouveauté. Je pense y avoir répondu certes ( pourtant succinctement, oserai-je dire), mais dans la mesure de mes moyens.

Un dernier mot tout de même, la SAUR qui avec Mlle Vignaud gère déjà notre réseau d’égouts, mais aussi notre station, ainsi, environ deux fois par semaine un personnel vient dégriller. Cette opération  consiste à récupérer les parties solides des effluents, ce qui n’est pas des plus plaisants, vous vous en doutez.

Mais terminons sur une note plus euphorique : beaucoup d’entre nous sont satisfaits et je dirai même plus, font la promotion du système auprès des collectivités rencontrées.

 De très nombreuses collectivités territoriales, pas seulement dans le canton ont suivi notre exemple et en sont parfaitement satisfaites.

 Fredy  

 

 

P.S. Aux dernières nouvelles, les roseaux qui ont été repiqués dans notre station ne sont pas des massettes, mais des phragmites ! (Ils sont paraît-il cousins.)

Si vous permettez, je ne change rien ! Merci.

 

vendredi 10 décembre 2004 -