Pyromane, pompier autres méfaits…

 

-Les allumettes de mon enfance étaient soufrées et ne s’allumaient pas instantanément, puis enfin, dégageaient cette âcre odeur de souffre désagréable mais en même temps son contraire, déjà, peut-être avions nous trouvé le moyen de « kiffer » en avance sur notre temps ?

- Dans le même ordre d’idées, nous avions une tante qui se mettait du rouge à ongles et nous adorions l’odeur du dissolvant ! Je pense que c’est dans la nature des choses, l’inhabituel est toujours attirant, si bien que pendant la guerre, tous petits, nous allions en douce humer et goûter le vinaigre dans son flacon !

-Qui, enfant ou adolescent, n’a pas allumé  du papier journal  dans un lavabo ?  Et après, c’est la panique, car d’une part l’odeur peut trahir, sans compter qu’il est difficile pour un enfant de faire disparaître les traces visibles de ce petit méfait.

-Comme à moins de dix ans, pour éviter son utilisation, avions avec mon frère cadet mis le martinet dans le poêle Godin qui chauffait le « carré à jouer ». C’était au premier étage de notre maison de Versailles, nous profitions de l’absence momentanée des parents, et de plus sous le regard étonné des plus petits.

-Chez ma grand-mère à Paris près de l’Église sainte Marguerite, dans son immense salle de bains, il y avait au dessus de la très longue baignoire un appareil monstrueux tout en cuivre rouge. C’était un chauffe-bain des années trente. Ma grand-mère ou ma tante pour l’allumer ouvrait une sorte de  portillon une des parties en cuivre à l’aide bien briquée par le personnel, doté d’une poignée de porcelaine blanche aves de minuscules fleurs bleues. Ensuite, après avoir manipulé deux ou trois robinets, enflammait la veilleuse. Elle devait alors refermer le portillon. Après deux minutes d’attente, on ouvrait le robinet d’eau chaude. A ce moment il se produisait un énorme « boum » en même temps que les grosses flammes bleues et rouges se voyaient à travers les grilles de cuivre rouge. Le « boum » était suivi d’un ronronnement bruyant comparable maintenant au bruit d’un réacteur. Tout ça était excessivement impressionnant pour un enfant et en même temps fascinant ! J’ai voulu une fois tenter de l’allumer en montant sur le rebord de la baignoire dans un équilibre précaire, j’avais déjà l’allumette en main lorsque ma tante et marraine tout à la fois me faucha de son bras droit (elle n’était pourtant pas bien costaude) en poussant un cri : « Mai tu es fou mon Fredy, tu veux nous faire tous sauter ? »

-Qui, enfant ou adolescent, n’a pas allumé  du papier journal  dans un lavabo ?  Et après, c’est la panique, car d’une part l’odeur peut trahir, sans compter qu’il est difficile pour un enfant de faire disparaître les traces visibles de ce petit méfait.

-Comme à moins de dix ans, avec mon frère cadet nous avions une fois mis le martinet dans le poêle Godin qui chauffait le « carré à jouer » au premier étage de notre maison de Versailles, profitant de l’absence momentanée des parents, et en plus sous le regard étonné des plus petits.

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-A peu près à cette même époque, le jardin était grand, il faisait le tour de la maison et il y avait de nombreux arbres, chênes et châtaigniers,  qui perdaient à l’automne énormément de feuilles. Il fallait avec ma mère (sur les injonctions de papa, les ratisser, en faire de gros tas à un endroit sélectionné de façon à minimiser les risques une fois enflammés. Toujours avec elle, nous allumions ces tas, mais l’un après l’autre pour n’avoir à en surveiller qu’un seul à la fois. Lorsque maman repartait à ses activités dans la maison, elle nous recommandait à mon frère et moi de rester à côté, le tuyau d’arrosage prêt, au cas où. Nous suivions à peu près ses recommandations, mais étions fascinés par le feu, maman ne s’en rendait pas compte. (Je pense d’ailleurs que tous les enfants le sont, peut-être est-ce une réminiscence de nos ancêtres lorsqu’ils découvrirent enfin le feu.) Nous faisions toutes sortes d’expériences dès que nous n’étions plus surveillés. Nous tentions de voir ce qui pouvait brûler ou non avec toutes sortes d’objets divers. Le plastique dans les années 50 n’avait pas encore tout envahi dans la vie de l’époque, mais déjà certains objets usuels l’étaient, tels que  peignes, objets de la trousse d’écolier, et particulièrement les stylos BIC tout récents, non démontables. Ces différentes matières produisaient des flammes bizarres, colorées, bigarrées même, en dégageant des odeurs nauséabondes qui nous faisaient tousser. Nous faisions brûler aussi les diverses poudres destinées à traiter les rosiers en particulier, certaines restaient inertes, mais certaines comme le souffre nous plaisaient particulièrement, mais là, nous faisaient horriblement tousser et pleurer. Mais c’était étonnant de voir ces flammes courtes jaunes que produisent le souffre, qui devenaient d’un beau bleu par la suite, le front de flamme jaune avançait un peu comme la vague qui avance sur la plage. Ensuite nous nous mettions au défi de sauter par-dessus les flammes. Je dois l’avouer, maintenant, j’étais un peu plus timoré que mon frère André qui, inconscient je crois, bondissait maladroitement au dessus du feu. Voyant qu’il ne lui arrivait rien, j’en fis autant, mais lui trouvant cela probablement excitant continuait de plus belle, tant et si bien qu’à un certain moment, en se réceptionnant sur ses courtes jambes, il glissa sur les talons et tomba les fesses dans le feu ! Heureusement pour nous et pour lui tout particulièrement, il n’y avait plus de grandes flammes et son postérieur a eu plutôt tendance à étouffer celui-ci ! Malgré tout son short surtout et ses cuisses étaient plus ou moins noirs, il commençait à pleurer, je lui dis que nous allions arranger cela avec le jet d’eau, ce que je fis. En fait, il n’était pas brûlé du tout, seulement noirci et légèrement rougi, par contre, le jet d’eau ne nettoyait rien du tout, et il fallut que je m’explique avec maman ! Je fus puni en tant qu’aîné qui avait laissé faire des bêtises à son petit frère, mais André fut lui aussi puni. L’idée d’avoir voulu le nettoyer au jet d’eau n’était pas si mauvaise, je pense, bien que cela n’eût rien nettoyé, lui avait peut-être évité de vraies brûlures. Enfin c’est ce que décréta mon père par la suite après une bonne fessée au martinet (neuf et bien caché celui-là !)

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-J’avais dans l’idée de faire une fusée à l’aide d’un corps de stylo. J’avais construit une rampe de lancement en mécano posé sur le rebord de ma fenêtre. Ayant  acheté au bureau de tabac de la place St François des pétards, j’en glissais un dans mon stylo et allumais la mèche en le déposant sur la rampe en question. Quelques secondes se passent, mais rien ne s’était passé. Je suis dégoutté, je prends le stylo-fusée et tripote la mèche, je m’aperçois tout à coup qu’il y a un point rouge. Je n’ai pas le temps de le remettre sur la rampe, ça me pète dans les doigts ! Le stylo a carrément explosé, un pétard reste un pétard, ça ne devient pas une fusée, contrairement à ce que je pensais alors. L’explosif déposé en très petite quantité dans son tube en carton, n’a pas trop de contrainte pour déchirer ce carton, alors qu’en lui imposant une retenue avec le corps du stylo, l’expansion est bien plus importante, et même dangereuse, mais cela je l’ai appris à mes dépends. J’avais les doigts dans un sale état, plusieurs de ceux-ci étaient pratiquement décalottés, des lambeaux de peau retombaient, je me mis force mercurochrome et poudre d’exoseptoplix et des tas de pansements. Quant à mon visage noircis, il n’avait pratiquement rien, à part quelques cils légèrement brûlés. Je ne me souviens plus de la réaction de maman, mais je pense qu’elle avait compris que moi, j’avais compris !

 

 

- Bien plus tard, nous étions en vacance de Pâques pour la première fois à Villemagne, où notre père avait acheté le tiers d’une énorme bâtisse en pierre, style gendarmerie ! Mes parents eurent la surprise en arrivant peu après être passés devant le notaire, de découvrir qu’il n’y avait pas d’eau, cet état de choses durait depuis plus de 12 ou 15 ans et le vendeur l’avait caché à mon père.  Cela est une autre histoire, et je l’ai contée par ailleurs. Ici, mes frères et sœurs étions là assez libres de nos mouvements, et quand on ne se baladait pas avec les parents et la bonne, nous furetions ici ou là. A une demi-heure de la maison, il y avait un barrage tout en pierre, pas un pouce de béton, il datait d’avant guerre évidement. Jean-Marie, Marie-Thérèse, André et moi avions décidé d’aller nous baigner dans ce fameux barrage malgré le panneau indiquant : « Baignade interdite ». André, prudent tout de même commença par aller sur le bord en pente douce en pénétrant lentement dans l’eau en faisant claquer ses dents. Sur le barrage deux ou trois jeunes parisiennes allongées, prenaient le soleil de printemps,  venues d’on on ne sait où, attirèrent mes regards d’adolescent. Bravement, je m’avançais sur le barrage et plongeait directement. L’eau était glaciale, mais glaciale, tout en m’enfonçant dans l’eau, je me dis que j’allais me noyer. Je réussis tout de même à remonter, à peine à la surface, je n’arrivais pas à respirer, j’avais l’impression que mes poumons étaient compressés, je haletais tout en faisant des grands pour tenter d’aspirer un peu d’oxygène « hein…, hein… »  Enfin, je pus nager jusqu’au bord sans trop de peine enfin. Là haut, les filles se marraient. Je ne demandais pas mon reste et repartis pour la maison.

 

 

-L’été suivant, à Villemagne, comme je l’ai déjà dit, nous étions assez libres. J’ai toujours aimé bricoler, créer de mes mains, j’avais vu ma mère utiliser sa machine à coudre, et j’étais capable déjà à une dizaine d’années de réaliser un ourlet à la machine. Tout cela pour dire que j’aimais coudre, même à la main. J’avais trouvé dans le grenier un large coupon  de tissus rouge, mais à la couleur passée par endroits. Je fis un plan, j’ai presque toujours réalisé des plans pour mes diverses créations. Sur ce plan, je dessinais un long fuseau, triangle isocèle de 10 cm sur 60 cm si je me rappelle bien, Je découpais 24 de ces fuseaux dans le tissus rouge. Je les assemblais par un long travail de patience par un point qui sert à faire les boutonnières, mais lâches (un point tous les centimètres à peu près).  Je crois que c’est le point de chainette, enfin peu importe son nom. J’en fermais dans ce point au fur et à mesure de son avancement une fine cordelette de coton (en provenance de la boîte à ouvrage de ma mère ) que je  laissais dépasser de plus d’un mètre vers la partie petit côté. Ce fut un long travail, mais j’avais hâte d’y arriver et je m’y tenais bien. Enfin tous les fuseaux furent réunis et je pus finir en cousant le dernier fuseau sur la partie déjà réalisée. J’avais obtenu une large couronne d’un mètre vint de diamètre. J’avais pris garde au sommet des pointes de triangles de laisser un espace, j’obtins ainsi la cheminée de mon parachute ! Je réunis les cordelettes de coton par groupes de six pour obtenir les quatre groupes de suspentes comme dans un vrai parachute. Puis je construisis une sorte de harnais toujours en tissus rouge. Avec André, nous montâmes au deuxième étage avec le parachute qui était encombrant, je dois le dire. Dans le harnais j’avais ligoté un gros caillou. Tenant le pépin par la cheminée, je le laissais tomber. Le résultat était suffisant, correct, même, le parachute avait rempli son office en se gonflant correctement, mais il fut rapidement au sol. J’avais fait ce qu’on réalise chez les parachutistes lorsqu’on n’est pas sûr du vent latéral, lâché le mannequin appelé Siky par les militaires. Maintenant, il fallait trouver un cobaye, j’avais déjà ma petite idée depuis un moment déjà. Les poupées de ma sœur étaient trop légères, et en plus, je pense que je n’aurais pas osé, bien que j’y ai pensé. Nous laissâmes le parachute bien préparé à l’étage, arrivés en bas nous nous mîmes en devoir de chercher le parachutiste. Rapidement nous découvrîmes le chat que nous destinions à remplir cet office. Lâchement, nous l’attrapâmes, le caressant, lui faisant des câlins pour qu’il se tienne tranquille et le transportâmes là-haut. Je ne sais plus lequel de nous deux tenait l’animal pendant que l’autre le ligotait dans le harnais. Là, c’est vrai, le chat se débattait, et c’est rapidement que nous nous précipitâmes à la fenêtre. Le lâcher fut expéditif, mais le vol très réussis en ce qui concerne le parachute proprement dit. Le parachutiste improvisé montrait lui,  sa désapprobation en gesticulant et en miaulant fortement. Le parachute convenait parfaitement pour ce poids et l’atterrissage fut parfait, mais nous n’avions pas pensé que sitôt sur le plancher des vaches il se mettrait à cavaler. Heureusement pour nous, le pépin restait ouvert et le freinait. Nous dévalâmes les marches e pûmes récupérer le parachute encore accroché au jeune matou qui, lui, s’était réfugié dans un tas de bois. Nous eûmes toutes les peines du monde à tirer le tout pour détacher l’animal.  A chaque jour suffit sa peine, le parachute fut plié dans un coin après cette première expérience et attendîmes que notre voisine fut absente car elle avait appris certainement par un de mes petits frères ce qui était arrivé à son petit chat. D’autre part, je voulais essayer avec un vrai chat adulte, peut-être aimerait-il ce genre de voyage en l’air ? Quelques jours plus tard, nous avions attrapé un joli matou (quant au sexe, je ne m’en étais pas préoccupé) et le grimpâmes dans notre chambre du second. Il nous avait bien semblé avoir entendu partir la 2 CV de notre voisine. Le chat en question fut beaucoup plus difficile à attacher dans le harnais, mais je pris la précaution de l’attacher de telle sorte que la libération fut la plus facile possible. Comme le chat se bagarrait avec nous, il ne fut pas facile de l’expédier par-dessus bord, le résultat fut que le pépin frotta sur le mur et ça n’est pas totalement ouvert qu’il arriva au sol. Le chat à notre avis n’avait subi aucune séquelles, mais il avait tellement hurlé que la voisine qui elle, n’était pas partie, contrairement à ce que nous avions cru, sortit sur le pas de sa porte et vint délivrer le chat qui en fait était une chatte. La voisine nous a apostrophés comme il faut, qu’il fallait respecter les animaux et que de plus cet animal avait une portée de chatons qu’elle devait allaiter. Nous n’avons plus réitéré l’expérience à mon grand regret, d’ailleurs.

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-En 1958 j’étais dans une école technique-automobile. Ce jour là ma section était à l’atelier de mécanique, les uns tentaient de dépanner des moteurs sur bancs où notre professeur avait mis une panne cachée, les autres travaillaient à l’entretien de voitures appartenant à des personnels de l’école. J’étais dans le magasin d’outillage. Chacun de nous y passait à son tour. On y délivrait les outillages spécifiques moyennant un jeton métallique. J’étais donc tranquillement à « coincer la bulle » lorsque tout à coup, à dix mètres de moi, je vis des flammes sortir du capot arrière d’une quatre chevaux Renault. Le jeune qui nettoyait le logement-moteur (à l’essence) ainsi que le moteur proprement dit fit une énorme bourde : Il avait omis de débrancher la batterie. En passant son pinceau, dont le support des poils était métallique, sur le cadre support de la batterie, il créa un arc électrique sur la borne + de la batterie. Le résultat fut immédiat, l’embrasement  de l’ensemble surprit le jeune, il en lâcha le bidon d’essence, aggravant ainsi  l’incendie. Lui-même avait la manche tout entière en feu. Je compris immédiatement ce qu’il fallait faire : Dans le local d’outillage il y avait un gros extincteur de 10 Kg, je l’ai saisi d’un seul coup tout en dégoupillant le système et arrivait sur les lieux en  quelques toutes petites secondes. Dans le même temps, j’aperçus au loin l’atelier d’ajustage où le professeur (un grand gaillard d’un mètre quatre vingt dix) qui, ayant vu la scène, avait saisi lui-aussi un extincteur, et, tel un coureur de saut de haies, passait par-dessus les établis pour venir jusqu’à nous en maintenant l’extincteur collé contre son torse avec son bras droit. Il avait bien une quarantaine de mètres à parcourir, étonnant, je le revois encore ! De mon côté je n’étais pas resté inactif, j’avais commencé par arroser le jeune qui fut à peine brûlé, puis ensuite le logement du moteur de la voiture. L’incendie était éteint lorsque le professeur arriva avec son extincteur, il semblait presque vexé d’être arrivé trop tard... Notre professeur de mécanique, Mr Galtier qui était à l’extérieur de l’atelier et était penché avec deux élèves sous le capot d’une 203 récalcitrante arriva après la bataille et je vis bien qu’il était très embêté, sa responsabilité était engagée. L’incident était clos (je n’ai pas dit l’incendie) et l’on n’en parla plus.

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-Alors que j’étais dans cette école, je m’étais inscrit à la préparation militaire parachutiste. Tous les samedi matin ou presque, j’allais rue Lakanal où chacun de nous en tenue camouflée suivions des cours traitant des devoirs des soldats, de l’armement et aussi du parachutisme. Nous faisions aussi du tir à la carabine 22 long rifle (c’étaient des carabines Mauser, très belles mécaniques) généralement « en position du tireur couché » et à une cinquantaine de mètres. Je n’étais pas trop mauvais. Il fallait aussi démonter plusieurs armes et les remonter dans un temps défini, là, j’étais le meilleur, j’en étais fier. Il y avait une salle spéciale avec des agrès pour l’entrainement parachutiste proprement dit. Il y avait entre autres un mur d’environ deux mètre quarante où l’on se mettait les pieds joints, et, d’un petit saut de côté on sautait par terre.  Je n’aimais pas du tout cela, il fallait en plus garder les coudes au corps et les poignets sous le menton,  et arrivés au sol, nous devions faire le roulé-boulé. Nous n’avions pas comme à Pau de tours de départ et d’arrivée, les sous-officiers qui s’occupaient de nous expliquaient que ça n’était pas absolument nécessaire. Nous faisions énormément de tractions à la barre fixe ce qui nous entraînait à faire les tractions sur les suspentes des harnais pendus dans le grand hangar. En effet quand nous serions en l’air sous notre coupole, le seul moyen du parachutiste pour lutter contre le vent horizontal est de faire des tractions avec les deux suspentes face au vent, de cette manière, la coupole s’incline et par effet de réaction se dirige vers le vent, ralentissant ainsi la vitesse horizontale et permettant au bonhomme de ne pas être ripé à l’arrivée au sol. Au bout de quelques mois nous sommes allés faire une période bloquée d’une dizaine de jours au camp des Garrigues près de Nîmes. On nous avait dotés de MAS 36, l’arme alors qui équipait toute l’armée. Nous faisions des tirs à la MAT 49 aussi en dotation dans l’armée. Par contre pour faire le parcours du combattant on nous donnait de vieilles STEN anglaises (de vraies boîtes de conserves). En fait, je me régalais, nous faisions bien quelques marches, mais j’étais déjà aguerris par le scoutisme. Je suis même monté dans un char américain SHAFFI équipé de moteur Cadillac en étoile, super ! Et puis à la fin de l’été enfin on nous annonça que notre premier saut serait pour dans trois semaines. Là, par contre, il y a quelque chose qui se serra dans mon ventre ! Ce samedi enfin arriva, j’étais glacé (il faut dire qu’il était 3 ou 4 heure du matin, je ne sais plus), la peur était palpable dan le camion Citroën P45 qui nous emmenait à Aix les Milles, Nous étions tous gla-gla si je puis dire, mais le sous-off nous fait chanter : « En sautant par la portière… ! » En arrivant sur le terrain d’aviation des Milles, le DAKOTA nous attendait, certains d’entre nous faisaient de grossières plaisanteries, mais c’était pour se donner du cœur, je pense. Nous nous équipons, ça on sait faire : Enfiler le pépin, bien s’asseoir sur la sangle inférieure, passer les deux courroies dans le pli de l’aine gauche et droite sous la sangle principale, puis les ramener vers la poitrine, les glisser dans la barrette d’acier qui vient ensuite se placer sur la suspente gauche, verrouillée par une grosse épingle. Maintenant, pose du ventral avec les clips automatiques sur les deux suspentes gauches et droites au niveau de la poitrine, ensuite seulement les deux sangles gauches et droites vont solidariser les deux pépins. Nous sommes prêts, mais toujours pas rassurés. On nous explique qu’en temps que prémilitaires nous allons sauter « en position ». Contrairement aux militaires qui sautent à la queue leu leu à fond de train. Nous allons chacun à notre tour nous mettre devant la porte, poser les mains à l’extérieur de la carlingue, un pied en avant et attendre le « go » du moniteur. Nous portons le casque léger et le casque lourd par-dessus, ça n’est pas pratique. Nous grimpons dans l’avion, les deux moteurs ronflent, j’ai un peu oublié ma peur, nos sourires sont tout de même un peu crispés. Il se trouve que tout à fait par hasard, je serais le premier à la porte. Le moniteur lance : « debout, accrochez. »Nous voilà maintenant tenant le mousqueton de la sangle SOA qui va permettre d’ouvrir notre pépin. Le moniteur contrôle les épingles de sécurité, le bon déroulement de la SOA, qu’elle ne soit pas glissée sous le harnais. Puis : « En position. » Je suis à la porte, je ne ressens plus rien, je découvre le paysage, c’est beau, pourtant il y a une marche de 450 mètres. La lumière verte s’allume, le moniteur me tape sur l’épaule gauche et : « GO. » Sans même y penser, comme si je l’avais toujours fait, je lance comme prévu en balançant ma jambe droite dans le vide. Je suis aspiré par un maelstrom, j’ai le nez en l’air et voudrais voir, seulement voilà le pépin s’ouvre tellement brutalement que je n’ai rien vu et ne vois plus rien, mes deux casques se sont croisés un pour l’œil gauche l’autre pour le droit. Je les remets en place je vogue dans l’air, mais il se passe quelque chose, je tourne comme une toupie. En effet, j’ai des TWISTS, je dois donc prendre les deux groupes de suspentes et les écarte le plus loin possible pour que tout prenne sa place. Tout va bien, mes suspentes vont bien, mais j’entends du sol un porte-voix : « Gardez la position nom de Dieu, faites les tractions, les pieds parallèles. » Il n’a pas fini de parler que je vois le sol se précipiter sur moi. Patatras, je suis arrivé, je n’ai pas fait le roulé-boulé, un peu étourdi mais tout va bien et je suis dégoutté, je n’ai pas eu le temps de profiter en l’air…

 

-Quelques années plus tard, étant en Algérie en 1962, j’avais pour mission de faire brûler un énorme tas de troncs d’arbres, de caisses de munitions vides, de vieilles couvertures et de quantité  d’objets  inflammables dont nous voulions nous débarrasser. En effet, nous quittions le campement provisoire de ma compagnie de transmission de la Coloniale à saint Lucien, près de la commune de Lauriers Roses. Nous partions  nous installer à Sidi-Bel-Abbès dans le quartier vétérinaire de la Légion Étrangère. L’armée préparait déjà son repli vers la métropole, mais personne ne le savait dans les rangs de la troupe. Mon capitaine ne voulait emporter que le strict nécessaire, la place allait nous manquer. C’est pourquoi, en cet après-midi de cagnard, je continuais à entasser un maximum de choses. Le tas devait culminer (si je puis dire) à près de trois mètres. Je pris alors un premier jerrican d’essence et arrosait copieusement  tout le tour de mon tas de bois, il faisait excessivement chaud (au dessus de 40° évidement, c’était le début de l’été), je n’avais pas fini de faire le tour du tas lorsque le jerrican fut vide, je partis en chercher un autre car avec l’évaporation qu’il y avait je craignais que toute l’essence ne soit totalement partie lorsque j’allumerais. Avec mon deuxième jerrican, je finis mon tour, puis fis un chemin avec l’essence en reculant. Je fis ainsi une quinzaine de mètres. Je jugeais alors être à une bonne distance pour allumer. Je m’accroupis alors, sortis mon briquet tout en remarquant que devant moi, par une sorte de mirage, toute ma vue était trouble, toutes les lignes droites étaient tortillées, c’était l’essence qui continuait à s’évaporer en faisant des zigzags. J’aurais dû me méfier, mais je pensais bien être à l’abri, suffisamment loin. J’imaginais que ma flamme allait  tranquillement suivre le chemin que je lui avais tracé pour enfin arriver au tas de bois. J’appuyais sur le bouton de mon briquet à gaz : BLOUMM. Une explosion terrible se produisit alors, je m’étais retrouvé sur le dos. Heureusement pour moi, nous étions en pleine nature, rien n’empêchait l’expansion de l’explosion. Il aurait fallu que je sois au moins vingt mètres plus loin, il aurait surtout fallu faire ce feu au petit matin. En fait, ce qui s’était passé, c’est que j’étais entouré de vapeurs d’essence, lorsque j’actionnais mon briquet, le simple fait de la pierre frottée enflamma ces vapeurs provoquant leur explosion. Je n’étais pas assez loin pour ne rien risquer, mais heureusement pas assez près pour risquer ma vie. Très peu des gadjos de la compagnie ont entendu l’explosion, ceux qui l’ont entendu étaient en vacation radio et pensaient tout simplement que c’était une grenade au café du village, mieux valait ne pas s’en mêler ! Ce qui fait que si j’avais été gravement blessé, personne ne serait venu à mon secours. J’avais tout de même le visage, les mains et les cuisses noircies et rouge en même temps, et surtout, plus de cils, les sourcils et la moustache partiellement grillés et je sentais le poulet qu’on a  passé à la flamme pour enlever les derniers duvets !!! Le soir quand j’arrivais au mess pour dîner ce fut l’hilarité générale, je ne m’étais pas encore vu dans un miroir. Ce fut l’occasion de multiples tournées d’anisette dont je fis en grande partie les frais. Mes cils mirent très longtemps à repousser. Quant à ma moustache, je la coupais pour la laisser repousser quelques semaines plus tard. Mon capitaine m’appelait en rigolant : « Le rescapé. »

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-Bien que sollicité par le capitaine LEGALL mon commandant de compagnie en Algérie, je ne me suis pas rengagé à la fin de mon service, j’y étais pourtant intéressé, mais me retrouver dans une caserne en France, cloîtré, j’ai renoncé. Quelques mois plus tard, me voilà donc à Suresnes chez des cousins. Je travaille à La Plaine St Denis, c’est une chance que ma tante ait pu m’héberger. Nous sommes un dimanche après-midi. Avec Denis (je cohabite avec lui dans sa chambre) nous nous promenons dans une rue de Suresnes très chargée en circulation, les quais de Seine sont eux probablement complètement bloqués. Nous devisons en marchant le long des autos qui sont là aussi très embouteillées. La rue est en sens unique si je me souviens bien et des maisons de deux ou trois étages la bordent de chaque côté. Les avertisseurs s’en donnent à cœur joie, tout à coup, quelqu’un crie : « Attention il y a une auto qui brûle.» Nous courons tous les deux dans la direction des cris, alors que les passants se sauvent eux dans l’autre sens en hurlant : « Ca va exploser ! » Nous approchons et nous pouvons voir qu’en effet une vieille Simca 8 qui est en flammes, non, j’exagère, seules des flammes sortent du capot de part et d’autre des deux ailes avant. La propriétaire est complètement affolée. Aidé de mon cousin, nous tentons d’ouvrir le capot, mais il semble que notre action attise encore les flammes. Il nous faut un extincteur, c’est évident. Nous crions à la cantonade aux habitants qui regardent de leurs fenêtres avec anxiété : « Auriez-vous un extincteur ? » Personne ne nous répond, certains, craintifs, vont jusqu’à fermer leurs persiennes ! Nous courons le long des voitures pour trouver cet objet : Rien. Quant enfin un chauffeur de car à cent mètres de là, nous prête un gros extincteur. Il a vu dans son rétro les flammes, il est bien sympa, c’est le seul. Nous courons de nouveau en sens opposé. Nous ouvrons enfin le capot, le moteur tourne toujours malgré le contact coupé. Le fil de liaison à la magnéto a dû cramer. En dix secondes, les flammes sont stoppées. Première des choses, je ferme l’arrivée d’essence En effet sur ce genre d’autos anciennes le réservoir d’essence est en charge au-dessus du moteur, juste sous le pare-brise. Avec une clef de maison, je fais court circuit sur la magnéto, le moteur enfin s’arrête. Mais parmi les fils dénudés et cramés, ça grésille. Il faut couper la batterie, sinon, ça va probablement recommencer. La conductrice de la Simca n’a aucune idée de l’emplacement de la batterie, je cherche, ne trouve pas, mais je remarque que le câble qui va au démarreur passe sous le réservoir. Il faut chercher vers l’arrière, elle n’est pas du côté de la malle arrière, je finis par la trouver sous le coussin du siège arrière. Mais voilà j’ai les mains dans les poches, donc, aucun outil. Un habitant un peu plus empressé que les autres me prête une clef à molette que je lui rends presque immédiatement, la cosse ayant été rapidement démontée. Nous poussons la voiture à moitié sur le trottoir ; la conductrice se fait prier pour aller jusqu’à l’autocar pour lui rendre son bien et afin qu’elle donne ses coordonnées au chauffeur. C’est vrai que dans cette rue assez étroite encadrée de petits immeubles, ça aurait pu provoquer un très très gros pépin. Nous sommes repartis tranquillement sans que quiconque nous adresse le moindre remerciement. Ah non, erreur le chauffeur du car nous a dit : « Sans vous… »

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-C’est l’été, nous sommes les frères et sœur pratiquement tous réunis dans la maison de vacances de Sète que mon père a acheté après s’être débarrassé de Villemagne. Je dis bien débarrassé car il l’a quasiment bradé à notre voisin Gondry. André qui est maintenant officier du génie est là aussi à Sète. La maison n’est pas toute jeune, mais le terrain sur les pentes du mont St Clair est nous semble-t-il immense tant au dessus qu’au dessous de la maison. Il n’y a pas un grand nombre de chambres, et papa a donc pris la décision de faire construire un chalet de bois sur la partie basse du terrain, tout près du mur de clôture qui nous sépare du chemin vicinal qui à cet endroit est en cul-de-sac. Quand on a réussi à garer sa voiture dans le coin, on arrive à une petite rampe plus ou moins empierrée pour accéder à la porte d’entrée qui est si je me souviens bien en fer. Une fois passé le seuil, on s’aperçoit qu’il y a une bonne rampe pour accéder à la maison, elle est constituée de bandes de béton et de marches alternées, une rampe, u n volée de marche, une rampe, une volée…Le terrain est un peu en fouillis, la végétation n’est pas la garrigue, mais pas loin. D’ailleurs, plus on monte, plus la végétation locale est dense. Papa s’escrime le long de l’allée à désherber et nous enjoint de l’imiter, difficile à obtenir de ses enfants !   André pour nous faire profiter pleinement de sa « perme » à rapporté des grenades à plâtre et quelques simulateurs d’artillerie. Ce sont des sacs en papier kraft remplis de poudre et avec à une extrémité une mèche lente. Le déjeuner éxpédié, André a hâte de me montrer comment ça marche, les grenades à plâtre je connais, bien même, en combat à Bayonne et aussi dans les piaules pour piéger les copains. Les simulateurs d’artillerie, je n’avais jamais vu. En fait c’est utilisé lors de combats simulé pour ajouter au réalisme et peut-être ajouter du stress aux acteurs de ces combats. Après avoir fait péter quelques grenades, nous montons sur la partie haute du terrain, largement au dessus de la maison (justement là où la végétation est la plus dense, nous ne pensions qu’à limiter le bruit pour les parents dans la maison !) André attache un de ces objets au grillage mitoyen, assez haut pour ne pas pensons-nous prendre de risques. Il allume la mèche-lente, nous attendons quelques secondes le « boum » résultant n’est pas terrible, mais ce qui n’était pas prévu, c’est qu’en explosant le simulateur s’est détaché du grillage et immédiatement le feu a pris sur le sol, mais pas seulement de notre côté, aussi chez le voisin ! C’est catastrophique, nous voyons déjà le mont St Clair en flammes !!! Il n’y avait pas encore de jet d’eau dans le terrain, Nous dévalons jusqu’à la maison et fonçons à la cuisine. Maman fait la vaisselle. André dit : »Pardon maman, ça urge. » Il empoigne la bassine à vaisselle et court en essayant de ne pas perdre d’eau, moi de mon côté je remplis un seau d’eau et me grouille aussi. En arrivant là-haut, le feu a déjà pris une certaine ampleur, mais l’eau de vaisselle doit avoir des particularités de retardant, car, en quelques bassines et seaux nous avons circonscrit le feu, de justesse ! Peu après papa faisait installer des prises d’eau dans le jardin et prévu un long tuyau. André n’a pas rapporté de simulateurs d’artillerie !

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-1966, je suis installé dans un petit HLM du village de Précy sur Oise avec ma femme et ma fille ; c’est mon beau-père (adjoint au maire) qui nous a procuré cet appartement pour fuir Paris. Je travaille à Gennevilliers et ne met pas plus de temps à aller au travail que lorsque j’habitais dans le XIème arrondissement. Ma femme prend le train et la société d’assurance où elle travaille est près de la gare du Nord. Nous sommes au vert à la campagne, en plus, nous louons à 50 mètres de l’immeuble un terrain clos de hauts mur d’environ 1500 mètres carrés où nous passons le plus clair de notre temps quand il fait beau, Je ne fais pas trop de culture, mais la plus grande partie est en herbe (je n’ai pas dit gazon) et je peine avec une de ces tondeuses qu’il faut pousser pour que le couteau circulaire tourne et coupe l’herbe. Dans ce pays assez humide, l’herbe pousse très vite et je dois souvent repasser la machine. A l’extrémité j’ai construit une petite baraque en rondins pour ma fille Laure. C’était un week-end, nous étions confortablement installés cet après-midi là. Beaucoup d’habitants sont partis ici ou là à se balader ou à jardiner. Nous entendons tout à coup : « Au feu, au feu ! » Je cours dehors pour voir de quoi il retourne. Dans la montée contigüe à la nôtre, au premier étage, une femme et sa fille hurlent qu’il y a le feu dans son séjour et qu’elles ne peuvent  aller jusqu’à sa porte d’entrée. Je lui crie : « J’arrive avec une échelle, j’en ai pour une minute. » Je retraverse la rue et vais vers le petit pavillon de mes beaux-parents où, je le sais il y a une grande échelle qui doit faire près de 7 mètres. Lorsque je reviens avec l’échelle en question je m’aperçois qu’un joli nuage de fumée noire sort par la fenêtre de la dame en question. Celle-ci a déjà posé sa petite fille sur le rebord de la fenêtre et la tient par les hanches. J’appuie l’échelle, grimpe rapidement et empoigne la gamine sous le bras, et j’invite alors la voisine à enjamber le bord en s’agrippant à l’échelle qui dépasse largement. Elle a très peur du feu, mais n’ose pas pour autant enjamber. Je remonte et là je l’aide à sortir puis à descendre guidée par mes deux bras contre ses hanches. Pendant que nous descendons, ne voilà-t-il pas que les pompiers arrivent ! L’incident est clos pour moi, je retourne au jardin après avoir remis l’échelle à sa place chez mon beau-père qui était devant sa télé et n’avait pas compris ma précipitation en me voyant passer tout à l’heure.

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-1968, Étant inspecteur technique chez Général Motors France, je travaille maintenant sur une large partie du Centre et Centre-Est de la France. Nous sommes en milieu de matinée, j’arrive de Chambéry et viens de sortir du tunnel du Chat. J’éteins mes phares, la route descend assez raide vers la plaine de l’Ain. Cette route a la particularité d’être bordée par une sorte de trottoir en pavés de granit à peine dégrossis. Il y a pas mal de circulation en sens inverse, et je vois face à moi un Simca 1500 qui monte, talonnée par un « gros cul » qui klaxonne à tout va. En une fraction de seconde, j’ai compris le drame qui se jouait. Des flammes sortent des ouïes du capot de la Simca, et des flammes passent aussi par dessous. Le chauffeur du poids lourd ne voit pas les flammes et il serre de très près la voiture. Je fais quantité d’appels de phares, peut-être le chauffeur a-t-il compris, toujours est-il que la 1500 arrive à monter sur le petit trottoir et à s’arrêter. Non, le chauffeur n’a pas compris car il klaxonne en continu en dépassant la Simca avec en plus de grands gestes de mécontentement. Entre temps, je suis arrivé moi-aussi à m’arrêter sur le bas-côté opposé. Je coupe le contact, la clef dans la poche, on ne sait jamais. Je sors de ma voiture avec l’extincteur sous le bras dont toutes les voitures de la société sont dotées, et traverse la route entre les voitures qui montent. Arrivé sur place, je trouve les deux occupants en train de sortir de l’auto. Je demande immédiatement  au conducteur de m’ouvrir le capot, il ne sait, il ne sait plus ! Moi, je sais, mon beau-père a la même auto : Il y a une minuscule boite à gants à gauche du tableau des instruments, et à l’intérieur, la tirette du capot. J’actionne la tirette et vais sur le devant de la voiture lorsque femme crie : « Et le bébé ? »(Elle a peut-être prononcé son nom, mais je ne m’en souviens plus). En effet, elle ouvre la porte arrière et sort le bébé avec son landau ! Je suis scié ! Ils avaient oublié leur bébé ! Des flammes sortent de toutes part du capot, je ne peux me risquer à y mettre les mains, c’est alors avec la poignée plastique de l’extincteur que j’arrive à décrocher la sécurité du capot, puis à l’ouvrir totalement. Je percute mon extincteur et arrose consciencieusement la base de flammes. Entre temps, le moteur s’est arrêté, mais l’essence pisse encore et s’enflamme quelques secondes. Le carburateur a totalement fondu  ce qui explique l’arrêt du moteur. Le feu enfin s’étouffe. Je demande alors au couple inconscient de me donner leur nom et adresse, car je dois repartir avec mon extincteur vide à la poignée fondue. On me serre la main et je repars. Quand je pense que le couple, pour un peu, aurait laissé leur enfant cramer sous leurs yeux !

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-Bien des années ont passé, en 1992 j’ai acheté à mon amie un bout de terrain dans le Gard (qui est en face de sa maison de l’autre côté de la route) et j’ai pu débuter en juin la construction d’un petit bâtiment qui fera 32 mètres carrés et dont l’utilisation sera exclusivement professionnelle. J’ai très peu de matériel de construction, heureusement le père de mon amie (retraité du bâtiment) m’en a prêté un peu, et, tout excité me donnait la main quand il le pouvait : entre autres, échafaudages, étais à vis ainsi que divers outils à main. Je n’ai pas de bétonnière, le futur sol de mon atelier sera constitué par une dalle posée sur un gros hérisson de blocs de pierres que je suis allé chercher dans la garrigue proche avec ma remorque toute neuve. Je dois donc réaliser mon béton  à l’ancienne, faire un tas de sable et de gravier, y adjoindre la quantité de ciment adéquate (je ne me rappelais jamais la quelle et devais souvent demander, la réponse était souvent en nombre de pelles pour un quart de sac ou un demi ou encore  l’autre norme était en brouettes et pelles, de quoi se tromper !!!), puis mélanger le tout consciencieusement et enfin rajouter l’eau par petites doses jusqu’à obtenir un béton de la bonne consistance. Il faut dire aussi que je n’ai pas l’eau sur mon terrain, j’ai donc fait traverser la route à un tuyau branché chez mon amie. J’ai alors posé des treillis soudés sur le hérisson et dois déposer des volumes assez importants pour arriver au niveau des parpaings que j’ai disposé sur le périmètre de ma future construction. En moyenne, le béton est de 12  ou 15 centimètres, peut-être même un peu plus, sans compter les interstices entre les blocs de pierre. Chaque tas de mélange de béton me demande une énorme énergie, c'est-à-dire de fatigue, pour lentement couvrir ces 32m2. Je m’épuise, demande à un voisin s’il peut me prêter une grosse bétonnière que j’ai sous les yeux à deux pas de mon terrain. Il accepte finalement, je la mets en route et je me dis que j’en verrai rapidement le bout, avec elle ça va avancer ! Une première bétonnière est déversée ratissée, aplanie et réglée. Je suis satisfait, mais malheur, la bétonnière pas toute jeune rend l’âme, le roulement qui soutient la toupie proprement dite est cassé. Je dois donc reprendre le travail à la pelle ! Je me sens d’autre part responsable de cette casse, mais ne sais que faire car je n’ai pas les moyens de remplacer cette grosse machine. Pour me rassurer, le propriétaire m’annonce que sa bétonnière a fait son temps et que je n’y suis pour rien, je souffle et le remercie. Mon amie Charlette me souffle qu’une relation à elle, à quelques kilomètres d’ici, est maçon et a peut-être de quoi me dépanner. C’est le cas, il a une grosse bétonnière montée sur pneus que l’on peut  tracter derrière un véhicule. Rendez-vous est pris pour le lendemain fin de matinée. Les heures passent, il est midi, je me dis qu’il ne viendra probablement que cet après-midi. Je traverse la route et m’attaque à préparer le déjeuner, je vais donc faire des frittes à la méthode de mon amie, c’est à dire à la poêle et non en friteuse. Mes patates sont découpées, prêtes, emballées dans un torchon, j’attends que la poêle que je viens de mettre sur le feu ait son huile à bonne température. A ce moment précis, Je vois arriver sur la route une grosse camionnette tractant la fameuse bétonnière. Oubliant mes frites, je vais saluer Raymond qui est d’ailleurs devenu un ami, de plus son épouse et ses enfants sont très sympathiques. Nous décrochons la machine, la poussons jusqu’à mon chantier, ôtons le timon qui permet de la tracter et enfin la calons dans une position adéquate à son utilisation.

 Cela ne se fait pas en trois minutes. Tout à coup, Raymond me fait remarquer que de la fumée sort de la porte de la cuisine de mon amie. En effet, un gros nuage noir sort de la porte. Je suis un peu affolé, il y a de quoi, c’est évident et j’ai bien compris ce qui s’est passé, ma poêle a beaucoup chauffé et l’huile enfin s’est  enflammée, je l’avais totalement oubliée celle-là, je n’avais pas pris la précaution de tout éteindre. Je traverse en courant, en arrivant à la porte, je suis très surpris car une fumée noire, dense, palpable, même sort par la porte, on ne voit que ça, rien d’autre. Cette fumée va du plafond jusqu’à environ un mètre, peut-être un peu moins, du sol. Cela a l’air impénétrable, ça l’est en fait ! Je sais ce qui me reste à faire, complètement accroupi, je vais jusqu’à la cuisinière, en faisant le pas du canard, et là, à un demi-mètre de la cuisinière, à travers la fumée, je vois une énorme flamme sortant de la fameuse poêle qui monte jusqu’au plafond de la pièce. J’ai un peu peur, je dois le dire de ce que je vais faire. Je prends un torchon, agrippe la poignée de la poêle (plus que brûlante) à deux mains, je sors à reculons avec d’énormes difficultés respiratoires, les flammes dansent tout près de mon corps, c’est dantesque, Je crains de renverser cette torche, tout en essayant d’éviter de me casser la figure. C’est sans encombre heureusement que je suis sorti de la pièce et je peux poser le brûlot sur l’évier en pierre qui se trouve à trois mètres de la porte. Ouf, j’ai fait le plus dur, le plus risqué aussi. Je laisse la poêle finir de brûler, elle s’arrêtera bien toute seule. J’avais en souvenir un stage que j’avais fait chez les pompiers de La Grande Motte, où j’avais appris ce qu’il ne fallait surtout pas faire dans le cas d’une friteuse enflammée, à savoir mettre de l’eau sur le feu ! Ils recommandaient de prendre une serpillère mouillée et de la déposer d’un seul coup sur le feu. Malheureusement, je ne voyais même pas l’évier et je pensais avoir pris la bonne décision, plutôt que de chercher ici ou là. Mais il me faut revenir dans la cuisine, car j’ai vu il y a quelques secondes, en sortant de celle-ci que la grosse poutre de la hotte qui surplombe la cuisinière est aussi en flammes. Si Raymond n’avait pas jeté les yeux sur la maison, c’est toute la partie nord de la maison qui aurait été détruite. Je reprends ma respiration et pénètre à nouveau dans la pièce, la poutre brûle consciencieusement. Je suis venu avec un seau rempli dehors et le jette une première fois sur la poutre. Cela n’a pas un effet immédiat, je remplis à nouveau le seau dans l’évier que je ne vois pas, mais à tâtons, j’ai trouvé le robinet, la poutre continue à brûler allègrement. Plusieurs fois de suite, il me faut foncer dehors pour respirer l’air pur du dehors. C’est fatiguant de faire le pompier en apnée, sans voir grand-chose ou pour tout dire, rien. Au bout d’une dizaine de seaux, le feu s’épuise, moi aussi, Raymond est impuissant à m’aider, seulement il me remplit les seaux. La fumée semble encore aussi dense qu’au début, seulement, le niveau de celle-ci est remonté, et je dois moins me pencher pour rentrer, finalement, c’est debout que j’apporte les derniers seaux. Charlette, heureusement pour elle, est absente, sinon, je vois d’ici la tête qu’elle aurait fait. Elle n’a vu les dégâts que plus tard, il n’y avait plus de fumée, seule l’odeur tenace était restée. Elle reconnut avoir eu une énorme peur rétrospective. Heureusement pour elle, maintenant en 2009, je ne suis plus chez elle et elle ne risque plus que je lui refasse le même coup grâce à mon manque de présence d’esprit. Aujourd’hui,  je suis de plus en plus distrait et j’oublie très souvent ce que je voulais faire il y a trente secondes !!! Pour en revenir à ma construction, je n’ai pu utiliser la fameuse bétonnière que quelques jours car peu de temps après Raymond eut besoin de sa machine, sans compter des problèmes mécaniques. J’ai donc dû terminer ma dalle à la pelle. Quant à l’état de la cuisine après la catastrophe évitée de peu, ça n’était pas triste : Le plafond qui avait été refait par un professionnel peu de temps auparavant était totalement noir et avait tendance à s’effriter et dut être refait à nouveau. Je pus gratter la poutre de la hotte et la reteinter, quant à la hotte elle-même, si je me souviens bien, il fallut la refaire. Ne parlons pas des murs, j’ai eu beaucoup de difficultés à faire quelque chose de présentable, et encore, il faut le dire vite ! C’est bon les frittes, mais gare !

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-1995, cela fait maintenant plus de trois ans  que fonctionne mon atelier de mécanique. J’ai du mal, je me fatigue beaucoup, mais je survis. Je dois souvent aller chercher mes clients dans des villages avoisinants, ça veut dire dans ce cas deux voyages. Je n’ai pas encore de voiture de prêt. Je fais des opérations pare-brise aux marchés de Sommières et de Quissac pour tenter d’agrandir mon cheptel de clients, si je puis dire. Je n’ai pas encore un assez gros chiffre d’achat en pièces détachées pour que mes fournisseurs acceptent de me livre r suite à un coup de fil. Je suis sans arrêt sur Nîmes, parfois à Montpellier pour ramener pièces, huiles, outillages. Je dépense mon temps ainsi, qui ne peut être facturé, et ces voyages quasi journaliers me coûtent beaucoup d’argent. Quelques jours auparavant, avec mon amie, nous promenions nos deux chiennes (Hilda et Chipie) lorsqu’un grand chien roux avec une petite blessure sur une cuisse se mit à jouer avec elles. Nous l’appelâmes Victor. Il ne voulut plus les quitter, il nous suivit donc jusqu’à la maison. Une bouche de plus à nourrir, mais quoi, s’il y en a pour deux…Par contre, en soirée, j’avais souvent pris l’habitude de mettre Victor dans le garage pour calmer un peu le jeu pendant notre repas. Ce jour là, j’avais fini ma journée au retour de Nîmes où en plus des pièces que je rapportais, j’avais fait le plein de ma Renault 11 diesel. Je finis une réparation pour le lendemain, rentrais la R11 dans l’atelier, donnais à manger au rouquin, puis le laissais avec une gamelle d’eau. Je traversais pour me changer et dîner. J’étais en robe de chambre et me dis que le pauvre chien, enfermé tout seul devait se morfondre, je partis le chercher, la télé avait commencé. Très peu de temps après, Charlette me dit à un moment donné : « dis-donc n’est-ce pas de la fumée, là sous le portail du garage ? » Je traversais à nouveau, en effet, un filet de fumée passait sous la porte, Je ne pouvais pas ouvrir la porte cochère de l’extérieur, il me fallait entrer dans la cour fermée par le portail métallique pour accéder ainsi à la porte arrière toute en fer. J’ouvris après l’avoir déverrouillée, là c’était l’enfer, ma voiture n’était plus qu’un brasier, le pare-brise avait déjà pété. Je refermais la porte à cause de l’appel d’air. Je courus au hangar de mon voisin Thierry, il était absent, je ne savais comment emprunter son tuyau branché sur son forage. Enfin, rien ne marchait. En fin de compte aidé de mon voisin Jean-Michel, de son père, du patron du Gîte, nous réussîmes à faire traverser la route à un tuyau Pris dans le jardin de Thierry et Monique, mais en plein milieu dé la route nous avions deux tuyaux face à face et sans jonction, nous n’avions pas trouvé l’adaptateur nécessaire, ce fut un jeune du pays, Ludovic qui pendant toute l’opération d’arrosage tint serré les deux tubes face à face en essayant d’en  perdre le moins possible. Donc, nous nous retrouvâmes à la porte de derrière à arroser la R11 surtout par-dessous, car c’était là que les flammes étaient les plus intenses, Il y avait du monde autour de nous, mais nous n’avions qu’un seul pauvre tuyau. Très rapidement après le début du feu, mon compresseur qui était tout près du véhicule se mit en marche et ne s’arrêta plus jusqu’à ce nous puissions couper le courant. Les pompiers de Sommières avaient été prévenus dès le début. Jean Michel et son père restèrent stoïques à arroser jusqu’au bout. On ne pouvait pas rentrer dans l’atelier, trop de chaleur et en plus, c’était irrespirable. J’avais bien un gros extincteur, mais il était inaccessible, car accroché près du bureau au niveau de l’arrière de la voiture. L’arrosage dura près d’une heure, enfin, le gros de l’incendie se tarit, on put passer à côté de la carcasse et ouvrir le portail du fond. L’état de la voiture était impressionnant, tout l’avant totalement cramé, les pneus, les sièges, le tableau de bord, le volant même qui n’était plus qu’un cercle de fer déjà rouillé. Le père de Jean Michel, René prit son tracteur et put arracher ce qu’il restait de la R11 de l’atelier et la posa en face sur son propre terrain. C’est à ce moment qu’arrivèrent les pompiers, à l’aide d’un levier métallique, ils ouvrirent le capot de la voiture, sectionnèrent le câble positif de la batterie et arrosèrent copieusement le moteur et le reste de la voiture. Abandonnant la voiture, rentrant dans l’atelier, ils brisèrent le plafond à divers endroits et arrosèrent pendant un bon moment, disons vingt minutes le dessus de celui-ci. Mon bureau qui avait une porte vitrée n’avait pratiquement pas souffert, à part la vitre fendue. J’avais un présentoir sur roulettes de 8 pneus neufs, ils étaient tous inutilisables. Quantité de petites pièces, filtres ou bidons d’huile étaient fichus. Je n’ai jamais su exactement ce qui s’était passé et comment le feu s’était déclaré, ce qui est sûr, toutefois c’est la voiture elle seule qui est la cause. J’avais fait la supposition suivante : Sur ce type de moteurs diesel, chacun des injecteurs est équipé de retours de fuites en caoutchouc reliés entre eux. Il est fréquent que ces tubes en caoutchouc soient poreux ou légèrement fuyards, cela rend la surface du moteur grasse  de gazole. Le moteur reste chaud plus d’une heure après avoir été coupé, cela favorise alors un départ de feu s’il y a la moindre étincelle dû à un court-circuit quel qu’il soit. Je n’ai pas d’autres explications possibles. J’aurais pu aussi déplorer la perte du chien que j’ai sauvé in extrémis sans la savoir.

Si cet incendie s’est borné à quelques pertes matérielles pour ma petite entreprise c’est tout de même grâce aux personnes que j’ai déjà cité, à savoir René et Jean Michel, Patrick Jouenne le patron du Gîte pour personnes handicapées (il nous a quittés cette année), Ludovic (qui était venu de Bancel pour voir son copain François) et bien d’autres personnes qui ont fait comme ils pouvaient dans la mesure de leurs moyens. Quant à moi, je n’ai pas fait grand-chose, mes voisins avaient pris les choses en main. Je les remercie quatorze ans après très sincèrement.

 

Fredy